IMAGE EVALUATION
TEST TARGET (MT-3)
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Photographie
Sciences
Corporation
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WEBSTER, N. Y. KS80
(716) 872-4503
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CIHM/ICMH
Microfiche
Séries.
CIHM/ICMH
Collection de
microfiches.
^%
Canadian Institute for Historical Microreproductions / institut canadien de microreproductio'is historiques
©1981
Technical and Bibliographie Noter./Notes techniques et bibliographiques
The Institute has attempted to obtain the best
original copy available for filming. Features of this
copy which may be bibliographically unique,
which may alter any of the images in the
reproduction, or which may significantly change
the usual method of filming, are checked below.
D
D
n
D
D
D
D
D
D
D
□
Colcured covers/
Couverture de couleur
Covers damaged/
Couverture endommagée
Covers restored and/or laminated/
Couverture restaurée et/ou pelliculée
Cover titie missing/
Le titre de couverture manque
Colourod maps/
Cartes géographique:: en couleur
Coloured ink (i.e. other than blue or black)/
Encre de couleur (i.e. autre que bîeue ou noire)
Coloured plates and/or illustrations/
Planches at/ou illustrations en couleur
Bound with other matériel/
Relié avec d'autres documents
Tiyht binding may cause shadows or distortion
along interior margin/
La reliure serrée peut causer de l'ombre ou de la
distortion le long de la marge intérieure
Blank leaves added during restoration may
appear within the text. Whenever possible, thèse
hâve been omitted from filming/
Il se peut que certaines pages blanches ajoutées
lors d'une rer^auration apparaissent dans le texte,
mais, lorsque cela était possible, ces pages n'ont
pas été filmées.
Additional comments:/
Commentaires supplémentaires;
L'Institut a microfilmé le meilleur exemplaire
qu'il lui a été possible de se procurer. Les détails
de cet exemplaire qui sont peut-être uniques du
point de vue bibliographique, qui peuvent modifier
une image reproduite, ou qui peuvent exiger une
modification dans la màthode normale de filmage
sont indiqués ci-dessous.
I I Coloured pages/
Pages d") couleur
Pages damaged/
Pages endommagées
□ Pages restored and/or laminated/
Pages restaurées et/ou pelliculées
Pages discoloured, stained or foxed/
Pages décolorées, tachetées ou piquées
I j Pages detached/
D
Pages détachées
Showthrough/
Transparence
Quality of prir
Qualité inégale de l'impression
Includes supplementary materic
Comprend du matériel supplémentaire
idition available/
édition disponible
I 7\ Showthrough/
I I Quality of print varies/
I I Includes supplementary matériel/
□ Only édition available/
Seule
Pages wholly or partially obscured by errata
slips, tissues, etc., hâve been refilmed to
ensure the best possible image/
Les pages totalement ou partiellement
obscurcies par un feuillet d'errata, une pelure,
etc., ont été filmées à nouveau de façon à
obtenir la meilleure image possible.
This Item is filmed at the réduction ratio checked below/
Ce document est filmé au taux de réduction indiqué ci-dessous.
lOX 14X 18X 22X
y
12X
16X
20X
26X
30X
24X
n
28X
32X
The copv filmed hère has been reproduced thanks
to the gcnerosity of :
National Library of Canada
L'exemplaire filmé fut reproduit grâce à la
générosité de:
Bibliothèque nationale du Canada
The images appearing hère are the bost quality
possible considering the condition and legibility
of the original copy and in keeping with the
filming contract spécifications.
Les images suivantes ont été reproduites avec le
plus grand soin, compte tenu de la condition et
de la netteté de l'exemplaire filmé, et en
conformité avec les conditions du contrat de
filmage.
Original copies in printed paper covers are tilmed
beginning with the front cover and ending on
the last page wi..h a printed or illustrated impres-
sion, or the back cover when appropriate. AH
other original copies are filmed tieginning on the
first page with a printed or illustrated impres-
sion, and ending on the last page with a printed
or illustrated impression.
Les exemplaires originaux dont la couverture en
papier est imprimée sont filmés en commençant
par le premier plat et en terminant soit par la
dernière page qui comporte une empreinte
d'impression ou d'illustration, soit par le second
plat, selon le cas. Tous les autres exemplaires
originaux sont filmés en commençant par la
première page qui comporte une empreinte
d'impression ou d'illustration et en terminant par
la dernière page qui comporte une telle
empreinte.
The last recorded frame on each microfiche
shati contair the symbol — «»- (meaning "CON-
TINUED "), or the symbol V (meaning "END"),
whichever applies.
Un des symboles suivants apparaîtra sur la
dernière image de chaque microfiche, selon la
cas: le symbole — •► signifie "A SUIVRE ", le
symbole V signifie "FIN".
Maps, plates, charts, etc., may be filmed at
différent réduction ratios. Those too large to be
entirely inciuded in one exposure are filmed
beginning in the upper left hand corner, left to
right and top to bottom, as many frames as
required. The following diagrams illustrate the
method:
Les cartes, planches, tableaux, etc., peuvent être
filmés à des taux de réduction différents.
Lorsque le document est trop grand pour être
reproduit en un s^ul cliché, il est filmé à partir
de l'angle supérieur gauche, de gauche à droite,
et de haut en bas, en prenant le nombre
d'iiTiG^es nécessaire. Les diagrammes suivants
illustrent la méthode.
1
2
3
1 2 3
4 5 6
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MONSEIGNEUR DE LAVAL
PREMIER EVÊQUE DE QUÉBE
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M
l^.'!
QUISSE BIOGRAPHIQUE
MONSEIGNEUR DE I.AVAL
1;^
PESMIER ÉVÊQUE DE QUÉBEC
Par l'abbé H. TÊTU
-•■•♦-
IMPRIMERIE DE P-G DELISLE
1, rue Port Dauphin
1887
Enregistré conformément à l'Acte du Parlement du
Canada, en Tannée 1887, par l'abbé H. Têtu, au
bureau du Ministre de l'Agriculture, à Ottawa.
. f
APPROBATION
Abchevêché de Québec, 1er Mars 1887.
Au Revd. M. H. Têtu, Pt-e,
Aumônier de l'Archevêché.
Mon cher Monsieur,
Vous vous proposez do publier un^î esquisse biogra-
phique sur Mgr de Laval, et vous la destinez surtout au
peuple.
Il y a longtemps que l'on demande un écrit de cette
nature : vous rencontrerez donc, je l'espère, les voeu x
d'un très grand nombre de lecteurs.
Vous ferez connaître d'avantage ce grand serviteur
de Dieu et vous le ferez aimer. Bien plus, vous déve-
lopperez la dévotion envoies lui : comment ne pas croire
que celui qui a fait de si grandes choses sur la terre,
n'ait pas acquis auprès de Dieu le pouvoir d'être encore
utile à son cher troupeau ?
D'après les témoignages qui ont été rendus dans le
procès préliminaire de sa béatification, Mgr de Montmo-
rency Laval a été un nouveau François-Xavier par son
zèle d'apôtre, un nouveau François d'Assise par sa mor-
tification et son esprit de pauvreté ; un nouvel Ambroise
par sa fermeté à sauvegarder les droits de l'Eglise ; un
nouveau Thomas de Villeneuve par sa prudence et sa
sagesse. On voit rayonner sur son front l'auréole de
de toutes les vertus.
C'est notre ferme espérance qu'un jour l'Eglise lui
décernera un culte public.
Ce sera votre bonheur, mon cher confrère, d'avoir
contribué par votre publication, à cet heureux événe-
ment.
J'ai l'honneur d'être,
Votre très dévoué E. N. S.,
CYRILLE E. LEGARÉ, V. G.,
• * . - - ' Administrateur,
DÉCLARATION DE L' AUTEUR
^ Si nous donnons à Mgr de Laval et
à d'autres personnages dont il est parlé
dans cet opuscule le titre de saint, et si
nous parlons de quelques miracles
attribués aux mêmes, nous déclarons
qu'en cela nous n'avons eu nullement
l'intention de prévenir le jugement
de l'Eglise.
AVANT-PROPOS
La mémoire du premier Evêque de
Québec est profondément gravée dans
tous les cœurs Canadiens. Cependant,
jusqu'à ces dernières années, si l'on s'est
rappelé son nom à jamais béni, peut-
être ne s'est-on pas suffisamment occupé
d'étudier sa vie et ses vertus éminentes.
Sans doute, le souvenir de Monseigneur
de Laval est toujours vivant dans les
maisons religieuses du pays, et toutes
donnèrent des preuves non équivoques
de leur amour et de leur admiration
pour lui, au grand jour de la transla-
tion de ses restes vénérés ; sans doute
aussi, il y aune maison où l'on n'a cessé
de louer et de célébrer ses œuvres en
même temps que ses vertus. Tous
les ans, au 30 avril, jour anniversaire
de la naissance de l'illustre Prélat, le
8 —
séminaire de Québec tressaille de joie,
et dans l'élan de sa reconnaissance, il
chante et exalte le nom de celui t^v^i fut
son Père. Le charmant petit journal
" l'Abeille " a été pendant longtemps
l'écho de ces douces fêtes de famille et
on y peut lire bien des pages attendris-
santes et instructives sur la vie de
Monseigneur de Laval.
Toutefois, disons-le franchement, le
peuple ne connaît pas assez cette A^ie
admirable et édifiante ; s'il la connais-
sait, il prierait davanl;age, et hâterait
par ses prières ferventes l'heureuse issue
du procès de la canonisation C'est pour
atteindfe ce but, que nous publions
aujourd'hui uner esquisse biographique
à la portée de toutes les intelligences, et
où quelques traits particuliers de sa vie
le feront connaître et chérir davantage.
CHAPITRE I
Naissance de Mgr de Laval.— Sa vie à l'Hormitage de
Caen. — II est nomme Vicaire Apostolique de la Nou-
velle Franco. — Son départ. — Il arrive à l'Ile Percée.
Mgr de Laval naquit dans le diocèse
de Chartres le 30 avril 1623. Son père
Hugues de Laval était seigneur de
Montigny et de Montaubry, sa mère
s'appelait Michelle Péricard.
A la même époque, le chef de la mai-
son de Montmorency portait le titre de
vice-roi de la Nouvelle-France et Cham-
plain édifiait le château Saint-Louis sur
les hauteurs du Cap Diamant.
Le jeune de Laval fit ses études chez
les Jésuites de Laflèche et reçut la ton-
sure en 1631. Fait chanoine d'Evreux
trois aUfii plus tard, héritier en même
V !
10 —
<sw- j
temps, par la mort de son frère aîné, du
nom et des biens de sa famille, il renonça
à ces avantages en faveur d'un plus
jeune frère, pour suivre l'attrait qui le
poussait vers Dieu seul. Ainsi se mani-
festaient, dès ses plus tendres années,
cet esprit de détachement, ce mépris des
richesses qui lui inspirèrent par la suite
tant d'actes sublimes, tant d'obscurs
dévouements.
Ayant terminé sa théologie à Paris,
il reçut la consécration sacerdotale, le
23 septembre 1647. Le jeune prêtre
avait alors vingt-cinq ans. A cette
époque existait à Paris une pieuse con-
grégation fondée au Faubourg Saint-
Marceau par le père Bagot, et qui plus
tard donna naissance à la maison des
Missions Etrangères. L'abbé de Mon-
tigny, c'est ainsi qu'on le nommait
alors, faisait partie de cette association
érigée sous le vocable de la Ste- Vierge.
Ces réunions se composaient des hom-
mes les plus distingués du temps, par
i
i I
1 1
- 11
leur naissance, leurs talents et leurs
vertus L'un d'eux, M. de Maizerets,
suivit Mgr de Laval au Canada, où il
le seconda merveilleusement en tout.
Plus tard, on retrouve ce groupe
d'élite chez M. de Bernières, de Louvi-
gny, trésorier général à Caen, la con-
grégation de Paris ayant été dissoute
par les événements politiques qui agi-
taient alors la capitale. L'Hermitage,
comme on appelait la maison de M. de
Bernières, devint une sorte de cénacle,
où s'épanouirent, comme dans un jardin
merveilleux, les fleurs de toutes les
vertus. Là, Dieu, la science, la charité,
se partageaient tous les instants. Qui
dira les oraisons, les jeûnes, les macéra-
tions les veilles, les travaux intellec-
tuels du futur apôtre, pendant les qua-
tre années de son séjour dans cette
demeure bénie ? .
Un attrait également puissant le
poussait vers les œuvres de miséricorde
corporelle. C'est ainsi qu'il surpassa
12 —
h ti
tons ses émules au nombre desquels se
trouvaient MM. de Mézy, Dudouyt et
de Maizerets, dans le zèle qu'il déploya
en faveur des malades de l'Hôtel-Dieu.
Lui, le rejeton d'une famille illustre, se
faisait, à l'instar de St François-Xavier,
le serviteur de ces malheureux, aux-
quels il rendait les services les plus
abjects. " On l'a vu de plus, dit l'au-
teur des Mémoires de la Yie de Mon-
seigneur de Laval, faire plusieurs longs
pèlerinages, à pied, sans argent, men-
diant son pain, et cacher à dessein son
nom, afin de ne rien perdre de la confu-
sion, du mépris et des mauvais traite-
ments ordinaires dans ces occasions et
qui ne lui furent pas épargnés. Il s'en
félicitait comme les apôtres, et remer-
ciait Dieu d'avoir quelque chose à souf-
frir pour son amour. " .
Quelques unes des œuvres de l'abbé
de Montigny revêtent, dès cette époque,
un caractère de publicité : témoin la
réformation des Hospitalières de Caen,
— 13 —
qui s'étaient départies de leur sévérité
primitive ei dont il fut nommé direc-
teur. Il entreprit, dans l'intérêt de ces
religieuses, un voyage -^ la cour qui le
fit apprécier de la reine Anne d'Autri-
che, régente du royaume.
Comme dès l'année 1651, on parlait
d'envoyer un évêque dans la Nouvelle-
France, il ne faut pas s'étonner si M. de
Laval, une fois connu, réunit tous les
suffrages. Son courage, son zèle tout
apostolique, son culte pour la pauvreté
évangélique, ne le mettaient-ils pas à
la hauteur de la position à la fois pleine
d'honneur et de difficultés qu'on lui
offrait, et n'expliquaient-ils pas l'insis-
tance qu'on mit à la lui faire accepter ?
Cependant la perspective de cette
dignité redoutable effrayait son humi-
lité. Un autre, selon lui, était plus apte
aux fonctions sublimes de l'épiscopat.
Partir pour le Canada en qualité de
simple missionnaire, voilà où se bornait
son ambition. Dieu ayant cependant
— 14 —
M :;
parlé clairement au cœur de M. de
Laval, par la bouche de M. de Berniè-
res, la reine ayant elle-même ex rimé
le désir qu'elle avait de sa nomination,
il finit par accepter la sublime dignité
qu'on lui proposait.
Préconisé au mois de mai 1658, l'abbé
de Montigny reçut d'Alexandre VIL les
bulles qui le faisaient évêque de Pétrée
(Petra en Arabie) in partibus injidelium,
et Vicaire Apostolique de toute la Nou-
velle-France.
Enfin le 8 décembre 1658, le nonce du
Pape, assisté de l'illustre Abelli, évêque
de E/hodez et de M. du Saussai, évêque
de Toul, le sacrait évêque, dans l'église
abbatiale des Bénédictins de Saint-Grer-
main-des-Prés, à Paris. M. de Laval
n'avait alors que trento cinq ans.
Il serait trop long d'énumérer ici les
obstacles et les contrariétés que le nou-
veau titulaire eut à subir, avant son
départ pour le Canada. Nous devons
nous borner à dire que ces épreuves
— 15 —
venaient de TArchevêque de Rouen,
lequel soutenu par le parlement de sa
ville épiscopale, cherchait à priver le
jeune évêque de sa juridiction, et allait
même jusqu'à envoyer au Canada, M.
de Caylus, en qualité de Grand- Vicaire
Métropolitain.
Mgr de Laval était au-dessus de ces
difficultés. Son devoir ne lui montrait
qu'une autorité : celle du Pape. Fort
de ce suprême appui, il s'embarqua
pour sa nouvelle patrie, le jour de
Pâques, 1659. Accompagné de MM.
Ango de Maizerets, de Torcapel, Pèlerin
et de Bernières, neveu du trésorier, et
du Père Jérôme Lallemant, jésuite,
le prélat arriva, sain et sauf, le 16 mai
1659, devant l'Ile Percée, à l'entrée du
fleuve St Laurent.
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CHAPITRE II
I
Premiers actes épiscopaux. — Confirmation à Percée. —
Arrivée à Québec. — Bonté du Prélat à l'égard des
sauvages.
A peine Mgr de Laval fut-il débarqué
qu'il se mit de suite à travailler à la
vigne de son divin maître.
Yoici comment s'expriment les Rela-
tions des Jésuites à l'occasion de l'ar-
rivée de Mgr de Laval.
" Si les démons servent à convertir
les sauvages et les sauvages à réduire
les hérétiques, que ne devons-nous pas
espérer du secours des anges tutélaires
de ces contrées ? Notamment depuis
que ces esprits y ont amené un Homme
Angélique : je veux dire Mgr l'Evêque
de Pétrée qui, en passant dans les limi-
tes de noire Acadie, a donné le sacre-
/
-li-
ment de confirmation à cent quarante
personnes qui jamais peut-être n'au-
raient reçu cette bénédiction. " Québec,
16 octobre 1659.
Mgr de Laval mit un mois entier à
remonter le Saint-Laurent.
" Il eut le loisir de contempler les
deux rives de ce fleuve majestueux,
dont la sublime grandeur lui faisait
deviner l'immensité du pays qu'il
devait évangéliser. Son œil d'apôtre se
fixait ardemment et avec anxiété sur
ces vastes forêts, abritant d'innombra-
bles peuplades assises à l'ombre de la
morl, et plongées dans les ténèbres de
l'ignorance et de la barbarie." (1)
Le 16 juin 1659, le vaisseau qui le
portait jetait l'ancre devant le fier pro-
montoire où, 50 ans auparavant, Cham- ^
plain avait jeté les assises de la première -
ville épiscopale du Canada.
Coraiaeni décrire la joie de la popu-
(1) Paroles du Cardinal Taschereaii.
2
— 18 —
■
iip
liiiiii
lation se rendant en foule au-devant de
son nouveau pasteur ?
Enfin Québec possédait un évêque !
Quel encouragement pour les mission-
naires qui allaient trouver en Mgr de
Laval, un père,^ un protecteur ! Quel
gage de confiance pour les commu-
nautés naissantes, alors aux prises à
tant de difiicultés ! ! Quel suprême
appui pour tout le peuple canadien ! ! !
C'est au son des cloches et au bruit
de l'artillerie, que l'éminent prélat,
environné de ses compagnons et du
Vicomte d'Argenson, gouverneur de la
Nouvelle-France, fit son entrée dans la
ville. ^
Les Jésuites eurent l'honneur insigne
de donner l'hospitalité au digne évêque,
pendant les trois premières semaines de
son séjour à Québec. L'Hôtel-Dieu, fon-
dé par la Duchesse d'Aiguillon, mit
ensuite à sa disposition un apparte-
ment qu'il occupa pendant près de
trois mois.
'Il
— 19 —
Le pensionnat des Ursulines fondé
par madame de la Peltrie, et auquel il
fit faire une clôture séparée pour ne
pas contrevenir aux règlements canoni-
ques, devant sa troisième habitation.
Il accepta ensuite, pçndant trois ans,
la maison même de Madame de la
Peltrie. Enfin il devint acquéreur d'une
vieille demeure, qui fut plus tard l'em-
placement du presbytère, et où vinrent
le rejoindre, trois ans après, c'est-à-dire
en 1662, MM. Dudouyt et de Bernières,
autre neveu du trésorier général. Ce
dernier devint plus tard premier curé
de la ville et le premier doyen du
Chapitre. «
Les premiers actes du ministère de
Mgr de Laval à Québec s'exercèrent en
faveur de la nation sauvage, laquelle
était l'objet de ses pensées et de sa plus
tendre sollicitude. A un enfant huron,
il conféra le premier des sacrements, et
peu après, il administrait les dernière à
un adulte de la même tribu. Appre-
20 —
1 ii!
nant " la maladie de ce dernier, Mgr de
' Laval voulut, dit la mère de Tlncar-
' nation, lui consacrer ses premiers
' soins et ses premiers travaux, don-
' nant un bel exemple à nos sauvages
' qui le virent avec admiration, pros-
' terne près d'un pauvre moribond, qui
' sentait déjà le cadavre, et auquel il
* nettoyait de ses pauvres mains les
' endroits du corps où l'on devait faire
' les onctions sacrées. "
Le 15 août 1659, Mgr de Laval con-
firmait dans l'église paroissiale, cent
soixante-dix-sept personnes de tout âge,
depuis neuf ans, jusqu'à soixante-onze
£çis. Cette cérémonie pontificale qui
avait lieu à Québec pour la première
fois, fut un sujet de joie et d'admiration
pour les sauvages. Quelques uns d'en-
tre eux avaient été appelés les premiers,
par le bon prélat, à la réception de ce
sacrement. Ainsi se manifestait la pré-
dilection de l'illustre pontife pour les
humbles et les petits.
i!i
— 21 —
^ Peu de jours après, on le retrouve à
l'Hôtel-Dieu, y confirmant cent sauva-
ges, tant hurons qu'algonquins.
Plus tard encore, chez les Ursulines,
il conférait le même sacrement à quinze
personnes, dont une professe de vingt
ans et une jeune huronne de 11 ans,
nommée Catherine.
,%'■",<'>.
CHAPITRE III
Affaire delà juriadiction. — L'abbé de Queylus. — Québec
no relève que de Rome. — Vente de boissons aux
sauvages. — Rapports du Prélat avec lea Gouver-
neurs. — Sa prudence et sa douceur.
m
Il importait avant tout que Tautorité
du Vicaire Apostolique fut publique-
ment reconnue. Malheureusement l'Ar-
chevêque de Eouen s'était insensible-
ment accoutumé à regarder le Canada
comme une partie de son diocèse, et il
s'était hâté d'envoyer l'abbé de Queylus
pour prendre en son nom possession de
l'église de la Nouvelle-France.
Celui-ci, arrivé avant Mgr de Laval,
fixa à Québec sa principale résidence et
le 12 sept. 1657 il s'installait curé de la
paroisse.
Mgr de Laval nommé Vicaire Apos-
— 23 —
tolique par le Pape, appuyé sur l'opi-
nion des Cardinaux qui disaient que le
Canada n'était- pas un diocèse de France^ ne
pouvait, lui, admettre l'autorité de M.
de Queylus, pas plus que celle de l'Ar-
chevêque de Rouen ; aussi, le 3 août
1660, il publia un mandement pour
ordonner à tous les ecclésiastiques du
diocèse de ne reconnaître aucune autre
jurisdiction que la sienne. M. de
Queylus qui n'était soutenu par per-
sonne abandonna la partie et repassa
en France, le 22 octobre de la même
année.
Cependant la lutte n'était pas encore
terminée ; car en 1661, l'abbé de
Queylus finit par ob'enir à Home, à
forces d'inirigues, une bulle d'érection
de la cure de Montréal, pour soustraire
cette ville à la jurisdiction du Vicaire
Apostolique.
Le 3 août de la même année, il était
de retour à Québec, et se présentait
devant l'Evêque de Pétrée qui, instruit
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— 24 —
de toutes ses menées et de l'erreur com-
mise dans l'obtention de la Bulle, lui
défendit de se rendre à Montréal.
L'abbé ne voulut pas obéir et malgré
une nouvelle défense, avec menace de
censure, il partit dans la nuit du 5 ou
6 août 1661. L'Evêque eut l'indulgence
de lui déclarer qu'il encourrait la sus-
pense eeuiement dans le cas où il ne
retournerait pas de suite à Québec pour
y recevoir ses ordres. M. de Queylus
n'obéit pas encore et encourut la peine
ecclésiastique. Il ne descendit de
Montréal que pour s'embarquer le 22
octobre sur le dernier bateau qui par-
tait pour la France.
La conduite du saint Evêque fut
approuvée en tout par le souverain Pon-
tife, qui défendit que l'on mit à exécu-
tion une Bulle obtenue par la fraude.
On ne peut s'empêcher de regretter
l'obstination que fit paraître l'abbé
de Queylus en toute cette affaire. Du
reste, c'était un prêtre zélé qui s'était
Hllfi
25
acquis l'estime universelle pendant son
séjour au Canada. Il y revint plus
tard et fut accueilli à bras ouverts par
Mgr de Laval.
A peine l'Evêque eût-il remporté
cette victoire, qu'il fut obligé de livrer
de nouveaux combats, pour empêcher
les blancs de vendre des boissons
enivrantes aux sauvages.
Voici ce que pensait la Mère de l'In-
carnation sur ce commerce immoral et
sur les ravages qu'il causait dans la
colonie :
'* Il y a en ce pays des français si mi-
" sérables et sans crainte de Dieu, qu'ils
" perdent tous nos nouveaux chrétiens,
" leur donnant des boissons très-Aiolen-
" tes, comme de vin et d'eau-de-vie...
" ces boissons perdent tous ces pauvres
" gens, les hommes, les femmes, Its
" garçons, et les filles mêmes... ils sont
" pris tout aussitôt et deviennent com-
" nij furieux. Ils courent nus avec des
" épées et d'autres armes, et font fuir
26 —
i
ii
:|iî
■II' I
i H
4t
tout le monde, soit de jour soit de
nuit... il s'ensuit de là des meurtres,
des violemenis, des brutalités mons-
trueuses et inouies c'est une cho-
se déplorable de voir les accidents
funestes qui naissent de ce trafic.
Monseigneur notre prélat a fait tout
tout ce qui se peut imaginer pour en
arrêter le cours, comme une chose qui
ne tend à rien moins qu'à la destruc-
tion de la foi et de la religion dans
ces contrées. Il a employé toute sa
douceur ordinaire pour détourner les
Français de ce commerce si contraire
à la gloire de Dieu et au salut des
sauvages. Ils ont méprisé ses remon-
trances, par<^equ'ils sont maintenus
par une puissance séculière qui a la
main forte... Mais enfin le zèle de la
gloire de Dieu a emporté notre Prélat
et l'a obligé d'excommunier ceux qui
exerçaient ce trafic. Ce coup de foudre
ne les a pas plus étonnés que le reste ;
ils n'en ont tenu compte, disant que
Ii
— 21-
" l'Eglise n'a point de pouvoir sur des
" affaires de cette nature... 11 a pensé
'' mourir de douleur à ce sujet, et on
" le voit sécher sur pied." -a -a.
Voilà en deux mots l'histoire de cette
malheureuse vente de boissons aux sau-
vages, qui causa tant de déboires à Mgr
de Lî^vVal, et qui lui suscita tant de per-
sécutions de la part de plusieurs des
gouverneurs de la colonie. Nous ne pou-
vons dans une exquisse entrer dans les
détails de cette lutte qui dura bien des
années. Mais nous dirons que nous ne
sommes pas de ceux qui reprochent à
Mgr de Laval d'avoir usé de sévérité
dans des circonstances aussi graves.
Quelques historiens, sans approuver le
commerce immoral des boissons eni-
vrantes, hésitent à exonérer le Prélat de
tout blâme. Ils nous le représentent com-
me un homme au caractère absolu et
dominateur, qui voulait tout conduire
dans la nouvelle France. " L'atmosphè-
" re en France était à l'absolutisme, a
28
"
''''Il
((
((
((
((
((
ii
a
" dit l'un d'eux... Louis XIV le monar-
" que peut-être le plus absolu des temps
" modernes, était l'exemple sur lequel
" se modelaient tous ceux qui, de loin
comme de près, partageaient son pou-
voir. Les hommes d'église les plus
saints subissaient, même à leur insu,
cette influence, comme les hommes du
monde. Mgr de Laval n^en fut pas
exempt, il ne faut pas craindre de le
dire." Nous regrettons de différer d'o-
pinion avec le savant auteur, mais nous
croyons pouvoir dire que Mgr de Laval,
bien loin de partager l'absolutisme de
son souverain, était l'un des hommes
les plus doux de la terre. Nous en avons
pour témoin la vénérable mère de l'In-
carnation qui était non seulement une
sainte, mais une femme d'un jugement
remarquable. L'écrivain cité serait le
dernier à récuser son témoignage. Non,
Mgr de Laval n'a pas pris pour modèle
l'orgueilleux monarque qui gouvernait
la France, mais le grand Saint Charles
Bol
d'i
pas
CD]
mî:
u
u
: ■•■ j''::'f-\ y. 29— ^ ,
Borromée, qui lui aussi était un homme
d'une grande douceur, mais qui n'en fut
pas moins obligé de lutter avec vigueur
contre plusieurs des gouverneurs de
Milan. ,
Voici quelques paroles du chanoine
Latour, qui nous donnent une idée de
l'humilité et de la douceur du saint
évêque de Québec : " Jamais évêque
n'a plus aimé son clergé ni n'en a été
plus tendrement aimé que M. de Laval.
C'était un véritable père.
Jamais personne ne s'est plus défié
de lui-même ni n'a demandé avec
plus d'humilité, ni suivi avec plus de
docilité, les avis de ses inférieurs et
de ses disciples. Son premier prin-
cipe fut de suivre dans le gouverne-
ment l'esprit de Jésus-Christ, marqué
dans ses paroles de l'Evangile : les
rota dominent les peuples^ mais pour vous
que le plus grand se fasse le plus petit
Il avait des assemblées fréquentes
avec ses grands vicaires, les princi-
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*' paux de son chapitre, les supérieurs
" des communautés et les religieux
" distingués par le mérite et la vertu ;
" point d'affaire importante qu'il n'y
"proposât." f r. v^ /^ -r ^
Mgr de Laval ne cessa de travailler
à l'union de tous les membres du clergé
séculier et régulier, et c'est pour cela
qu'en 1665, il fit passer un acte d'associa-
tion entre le séminaire de Québec, le sé-
minaire de Montréal et les RR. Pères Jé-
suites. C'est ainsi que sa douceur se mani-
festait dans toutes œuvres. Il était re-
connu comme un véritable pacificateur,
et on eut souvent recours à lui pour
terminer des différends. Quand il eut
donné sa démission, on craignit pen-
dant longtemps qu'il ne pût revenir ?.u
Canada ; et le marquis de Denon ville
gouverneur de la Nouvelle-France écri-
vait au marquis de Signelay " que dans
*' l'état présent des affaires publiques,
" il était nécessaire pour le service da
" roi, pour le bien de a colonie, et de
— àt —
"l'Eglise naissante, que l'ancien évêque
" revint pour ménager les esprits sur les-
" quels il avait un grand ascendant par
''son génie et par sa réputation de sainteté. "
En voilà assez, nous croyons, pour
établir que Mgr de Laval non seule-
ment était un homme d'une énergie
indomptable, mais encore un saint qui
savait faire aimer la vertu.
Sa conduite au sujet de la vente des
boissons fut approuvée par la Sorbonne
en 1662, et les mesures qu'il avait cru
devoir prendre furent jugées '* très-
sages et très-justes. "
■*■■-'■■
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CHAPITRE IV
Triste état do la colonie. — Zèle de Mgr de Laval pour
les missions. — Ses visites pastorales.
A son arrivée à Québec, Mgr de
Laval avait trouvé la colonie dans un
état vraiment lamentable, sans secours
suffisants de la mère-patrie, et exposée
aux incursions continuelles des Iroquois,
qui ne se proposaient rien moins que
d'exterminer tous les Français. Le
danger était si grand que dans la ville
de Qaébec même, les Ursulines et les
Sœurs de l'Hotel-Dieu étaient obligées
de se retirer la nuit dans le vaste cou-
vent des Jésuites, plus facile à dé-
fendre que les monastères de ces bon-
nes religieuses. C'est au milieu de fati-
gues et d'alarmes sans nombre, dans
un pays aâligé de plus par une cruelle
— 33 —
disette, que Mgr de Laval passa les
trois premières années de son Episcopat.
Mais son courage n'en fut pas affaibli.
Nature fortement trempée, cœur intré-
pide, il semblait grandir dans les
épreuves et sa présence consolait les
citoyens affligés et ranimait leur espé-
rance. *
Il n'attendit pas que tout danger
eut disparu pour s'occuper de l'évangé-
lisation de son immense Vicariat apos-
tolique. Dès 1660 des missionnaires fu-
rent envoyés dans les parties les plus
lointaines, et des mesures furent prises
pour faire porter les lumières de la foi
jusqu'aux environs de la Baie d'Hudson.
Q^râce à son zèle apostolique, les Hurons,
les Algonquins, les Abénaquis, voir mê-
me les farouches Sioux furent évangé-
lisés et firent plus tard la joie et la con-
solation le leur premier pasteur.
Sa soif dévorante du salut des âmes
poussait même l'homme de Dieu vers
les régions reculées du Lac Supérieur.
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1.
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— 34 —
S'il ne suivit pas dès lors l'impulsion
de sa charité évangélique, c'est, disent
les relations de 1660, qu'il était incapa-
de se diviser.
" Du moins, ajoutent-elles, son cœur
*' y a volé pendant qu'il s'arrête ici, au
centre de toutes ses missions, pour pou-
voir donner ses soins et partager son
zèle également."
Les contemporains de l'illustre évo-
que ont pu constater l'exactitude de ce
témoignage. En effet, quels trésors de
dévouement ne dépensa-t-il pas dans
les travaux d'un ministère qui s'exerçait
tantôt à la ville, tantôt à la campagne ?
Que de fatigues, de misères de tout
genre accompagnaient l'apôtre dans ses
courses diverses, à une époque où
les voyages, soit par mer ou par terre,
né talent adoucis par aucune des amé-
liorations que le progrès moderne a in-
troduites dans notre mode de locomo-
tion !
L'été on nous le représente dans un
— 35 —
léger canot, ramant lui-même pour hâter
la marche du frêle esquif. L'hiver on le
voit, avec sa chapelle sur le dos, parcou-
rant, en raquette, la plaine glacée. Un
pauvre morceau de pain : voilà souvent
tout ce qui apaisait la faim du mis-
sionnaire. De là pour l'héroïque prélat,
des infirmités qui l'accablèrent pendant
toute sa vie, et contribuèrent même par
la suite à le faire renoncer à ses fonc-
tions épiscopales. ' -r
Le registre des confirmations nous
donne des détails très -intéressants sur
les visites pastorales de Mgr de Laval,
On aimera sans doute à savoir quelles
sont les paroisses qui ont eu l'insigne
honneur de posséder pendant quelques
jours le premier évêque de la nouvelle
France. Ce registre des confirmations
est incomplet, mais il donne plusieurs
itinéraires qui n'ont jamais été publiés.
En 1660, Mgr de Laval confirma au
Chateau-Eicher, à Québec, à Trois-
Eivières et à Montréal. Dans cette der-
liliÉ
"''il'
I'
iilf-
— 36 —
nière ville, on voit parmi les confir-
mants, Paul de Chomedy que l'on croit
être le fils du fondateur de Yille-Marie.
L'année suivante, visite pastorale à
Sillery. Au 1er mai 1662, Mgr de
Laval confirmait au monastère des
Ursulines. De retour d'Europe où,
comme on le verra, il passa deux an-
nées, il reprit ses courses évangéliques
et, le 23 mars 1664, confirma à la cathé-
drale, puis au Cap des Trois-E-ivières, à
Ïrois-Eivières, et à Montréal. En 1665,
il fit descendre le Saint-Esprit sur 152
confirmants de la paroisse de Québec.
En 1666, ses visites commencent au 21
février ; en voici l'itinéraire :
Chateau-Richer, Ange-Grardien, Cha-
teau-Eicher, Québec ; dans la liste des
confirmants, on tro a fe le nom de Mes-
sire Daniel de Eemy de Courcelles qui
reçut l'onction sainte le 1 mai de la
même année.
Le 25 mai, l'infatigable évêque reprend
sa visite et séjourne dans les paroisses
-37 —
du Cap de la Magdeleine, Montréal,
Fort Sorel, et Trois-Rivières.
Les relations des Jésuites parlent de
la manière suivante de ses courses
pénibles en 1668 : " Mgr l'Evèque de
Pétrée, après avoir fait partout sa visite
en canot, c'est-à-dire à la merci d'une
frêle écorce, et après avoir parcouru
toutes nos habitations depuis Québec
jusqu'au-dessus de Montréal, donnant
même jusqu'au Fort de Ste-Anne, qui
est le plus éloigné de tous les forts, à
l'entrée du Lac Champlain, voulut faire
part de ses bénédictions à notre église
des Sauvages de Tadoussac, s'y étant
rendu vers la fin de juin, après avoir
bien souffert de la part des calmes et
des tempêtes de la mer.
*' Les heureux succès que Dieu a don-
nés aux armes du roi dans la Nouvelle-
France, faisant jouir nos sauvages de
Tadoussac, aussi bien que tous les
autres qui nous sont alliés, des agréables
fruits de paix ; cette église que la
38 —
:*
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crainte de l'Iroquois avait dispersée çà
et là, s'est heurousement réunie dans
son poste, qui est l'embouchure de la
Eivière du Saguenay, appelée Ta-
doussac. Mgr l'Evèque le sachant, et
i-yant été informé dès le printemps de
la satisfaction que les sauvages de cette
église avaient donnée à leur pasteur, le
P. Henri Nouvel, qui avait hiverné
avec eux, dans les bois, fit savoir qu'il
les visiterait. ,. .,=
*' Cette nouvelle les consola beaucoup,
mais son arrivée à Tadoussac, qui fut le
24 juin 1668, les combla de joie qu'ils
firent paraître en sa réception, car
s'étant trouvés au nombre de quatre
cents âmes à son débarquement, ils
témoignèrent par la décharge de leurs
fusils et par leurs acclamations, le con-
tentement qu'ils avaient de voir une
personne qui leur était si chère et dont
la plupart avait souvent expérimenté
les bontés.
" Ils l'accompagnèrent ensuite en
39
leur chapelle d'écorce : le feu ayant
réduit en cendres celle qu'on leur avait
bâtie ; et là il leur lit dire le motif de
son arrirée en ce lieu, à savoir pour se
conjouir avec eux de l'affection qu'ils
témoignent avoir envers leur christia-
nisme, pour administrer le sacrement
de confirmation à ceux qui ne l'ont pas
reçu et pour les assurer des bons senti-
ments que le roi a pour eux, dont ils
ont des marques bien évidentes, par la
paix à laquelle il a forcé les Iroquois.
Cela fait, la charité de leur digne
évoque les ravit, lorsau'au sortir de la
chapelle, ils le vi^'r^xt entrer dans leurs
cabanes les unes après les autres, pour
y visiter les malades et leurs capitaines,
consolant ceux-là par sa présence dont
ils étaient confus et par ses charités
qu'il étendait sur eux, sur leurs pau-
vres veuves et sur leurs orphelins, et
encourageant ceux-ci à appuyer ceux-
là de la foi de leur autorité et à se
maintenir toujours dans les devoirs de
>i i H !
;1I !
I
■( nohiijli!
véritables chrétiens ; ce qu'il renouvela
en un célèbre festin, leur recommandant
surtout de n'oublier jamais les obliga-
tions insignes qu'ils ont au roi, qu'ils
doivent considérer comme leur libéra-
teur et comme celui à qui seul après
Dieu, ils ont l'obligation de leur repos
et de leur vie. . , --
" Les quatre jours suivants furent em-
ployés à disposer à la confirmation ceux
qui ne l'avaient pas encore reçue. Ce
sacrement fut administré à diverses
reprises à cent quarante-neuf personnes.
La dévotion avec laquelle ils l'ont reçu
et qu'ils ont fait paraître partout
ailleurs, a ravi Monseigneur, et lui a
fait avouer que les peines qu'il a prises
pour ce voyage, lui donnent une satis-
faction toute particulière, de voir de ses
propres yeux le Christianisme en
vigueur et la piété régner parmi ces
pauvres sauvages autant et plus que
parmi beaucoup de nations policées.
Dieu réservait à cette mission la con-
— 41
version de quelques sauvages infidèles
qui ont vécu longtemps parmi les chré*
tiens avec une aversion étonnante du
Christianisme et qui se sont trouvés si
fortement touchés par la venue et les
instructions de Mgr de Pétrée, qu'ils
ont changé tout d'un coup de résolution
et n'aspirent plus depuis ce temps là
qu'au baptême. C'est un effet des béné-
dictions qu'accompagne toujours le
caractère, et qui va donner une nou-
velle force à nos chrétiens, dans l'espé-
rance qu'ils ont de jouir encore, les
aimées suivantes, du même bonheur. '*
Les immenses consolations attachées
à cette mission, ne furent pas les seules
qr'fprouva le digne apôtre pendant
1 ■: Je 1668. Plusieurs ecclésiastiques
\iiii ^ it de France au Canada pour se
mettre sous sa direction pastorale et
travailler avec lui dans son église nais-
sante. Il manifesta la joie que lui pro-
cura leur venue dans une lettre adressée
o M. Poitevin curé de St-Josse à Paris.
■r
I
— 42
MM
miii'uuïftiui il i
*' Le secours des prêtres que vous
nous avez envoyés est venu fort à pro-
pos pour nous donner le moyen d'assis-
ter divers lieux de cette colonie qui en
ont un notable besoin et sans lesquels
ils auraient été destitués de toute assis-
tance. La venue de Mr l'abbé de Quey-
ius, avec plusieurs bons ouvriers tirés
du sémiï'aire de St Sulpice, ne nous a
pas moins apporté de consolation ; nous
les avons tous embrassés dans les en-
trailles de Jésus-Christ. Ce qui nous
donne une joie plus sensible est de voir
notre clergé dans la disposition de tra-
vailler tout d'un cœur et d'un même
esprit à procurer la gloire de Dieu et le
salut des âmes, tant des français que
des sauvages... Les Pères Jésuites s'y
emploient toujours avec le même zèle
qu'ils y ont travaillé pendant quarante
ans, j'en ai reçu des témoignages sensi-
bles après le retour de nos visites."
En 1669, Mgr de Laval confirma dans
les paroisses de Tlle d'Orléans et sur la
WH!
43
côte de Beaupré, puis il continua à Dom-
Bourg (Pointe-aux-Tfembles), Ile de
Montréal, Sault St-Louis, Montréal,
Fort St-Louis, Champlain, Batiscan, Qué-
bec. En 1675, le saint Prélat se trouvait
à Montréal pour les fêtes de la Pentecôte.
Le 25 mai, il se rendit à la Prairie de
la Magdeleine où il autorisa la construc-
tion d'une chapelle auprès du fort St-
Lambert ; c'est là que vécut et mourut
l'illustre Vierge Iroquoise Catherine
TikahkSitha. , . ,^ . ,, ^
Les paroisses suivantes eurent le bon-
heur de voir et d'entendre leur premier
pasteur dans le courant de 1676 : Bou-
cherville. Montréal, La Prairie de la
Magdeleine, Sorel, St-Ours, Contre-
Cœur, Rivière-du-Loup, St-François,
Trois-Rivières, Cap de la Magdeleine,
Grrondines, Dom-Bourg, et Québec. En
1681, on trouve pour la première fois
d'autres noms de paroisses visitées,telles
que Yerchères, Boucherville, Kepenti-
gny, La Chenays, La Yalterie, Cressé,
""^v; —44— ■
(Nicolet), Rivière Puante, Gentilly, Ste-
Anne, Deschambault, Ile Jésus, Cap
St-Michel, Isle-aux-Oies, Cap St-Ignace,
llivière-du-Sud, La Durantaye, Beau-
mont, Pointe de l'Eglise Saint-Joseph.
D'après le registre cité, Mgr de Laval
aurait donné la confirmation à près de
5000 personnes. ,,
Le nombre de prêtres ordonnés par
lui, s'élève à quarante et un. Le pre-
mier canadien qui reçut l'onction sacer-
dotale fut M. Germain Morin. Il fut or-
donné le 29 sept. 1665, devint secrétaire
de l'évêque et, après avoir été curé dans
plusieurs paroisses, entre autres à la
Bonne Sainte- Anne, il mourût à l'Hotel-
Dieu le 20 août 1102. - :
CHAPITRE Y.
Voyage de Mgr de Laval en France. — Erection de l'E-
vêché de Québec, du Conseil Souverain. — Retour au
Canada. — Fondation du Séminaire.
La grande sollicitude de Mgr de La-
val pour son Eglise, les besoins extrêmes
de cette Egiise naissante, la nécessité
de l'érection à Québec d'un évêché, d'un
chapitre, d'un séminaire,en même temps
que l'établissement d'un Conseil souve-
rain au civil, l'engagèrent, en 1662, à
entreprendre un voyage d'outre-mer.
Le digne prélat reçut à la cour de
Louis-le-G-rand, les honneurs dûs à sa
naissance, à ses éminentes vertus, à ses
travaux et au prestige alors attaché à
une mission au-delà des mers. Le roi
de France qui, sous les humbles habits
du misssonnaire, avait su reconnaître
— 46
1 i
l'illustre pontife, l'honora d'une atten-
tion toute particulière. Approuvant les
vues élevées de Mgr de Laval, il leur
donna sa royale sanction.
C'est ainsi que le monarque permit
l'établissement à Québec d'un évêché
dont il le nomma le premier évêque, et
dont il fit solliciter les bulles d'érection
par son ambassadeur à Rome. La fon-
dation d'un séminaire reçut également
son approbation, ainsi qae toutes les me-
sures qui lui furent soumises par l'évè-
que du Canada.
Quelle ne dût pas être la joie du zélé
prélat en entrevoyant la réalisation pro-
chaine de ses plus chers projets ! Aussi,
plus touché des heureux fruits de son
voyage à Paris, que des honneurs dont
on l'y avait comblé et des brillantes pro-
messes d'avenir qu'on lui avait faites s'il
eût voulu rester en France, Mgr de Laval
fit voile pour le Canada, pendant les
fêtes de la Pentecôte, de l'année 1663. Il
pétait accompagné de troupes envoyées
m
47
à Québec et de cent familles françaises-
destinées à peupler le pays. Ces familles
furent accordées à la Nouvelle-France,
par le roi, à la demande de Mgr de
Laval. Il ne faut pas oublier le Cheva-
lier de Mézy, qui venait à Québec pour
y remplacer le baron d'Avaugour,
comme gouverneur de la Nouvelle-
France. M. de Mézy était bien connu
du prélat qui avait partagé jadis avec
lui la touchante hospitalité de M. de
Bernières, à l'Hermitage de Caen. Aussi
l'évêque l'avait-il hautement recom-
mandé à Louis XIV, comme parfaite-
ment qualifié par ses vertus et ses
talents, pour gouverner avec sagesse la
colonie naissante du Canada.
Une épidémie désastreuse qui sévit
parmi l'équipage, pendant la traversée,.;
rendit le retour de Mgr de Laval exces-
sivement pénible. Atteint lui-même f
du scorbut, l'évêque de Québec se mul-
tiplia auprès des malades et des mou-
rants. Non content de prodiguer à
— 48 —
I '
! <
tous le secours du ministère le plus
paternel, il s'imposa même des priva-
tions personnelles, en abandonnant à
«es compagnons toutes les douceurs
qu'on avait embarquées, pour tempérer
les excessives fatigues de ce long
voyage.
Une fois réuni à sa chère Eglise, Mgr
de Laval hâta l'accomplissement des
-diflérentes mesures qu'il avait proposées
au roi. Malheureusement le despotisme
religieux de Louis XIV et le gallica-
nisme de son Parlement entravèrent les
desseins du pieux évêque. & v^^
Ainsi ce ne fut que le 1er octobre
1674, que le siège épiscopal de Québec
fut canoniquement érigé. 1^
Le but de Mgr de Laval en deman-
dant l'érection de cet évèché était de
soustraire le pouvoir religieux du
Canada à la dangereuse pression de la
puissance civile, comme en le constate
par les lignes suivantes d'une de ses
lettres à la Propagande.
— 49--
" J'ai appris par une longue expé-
rience combien la condition du Vicaire
Apostolique est peu assurée contre ceux
qui sont chargés des affaires politiques.
Je veux dire les officiers de la cour,
émules perpétuels et contempteurs de
la puissance ecclésiastique, qui n'ont de
plus ordinaire à objecter que l'autorité
du Vicaire Apostolique est douteuse et
doit être restreinte dans de certaines
limites." '^■^^*'^'- :;rv. i. .^.^ai^^.^ -.Vi.vif^,
C'est grâce aux instances et aux per- '
sévérants efforts de notre premier pas- >
teur que le Siège de Québec devint ;
aussi indépendant qu'il pouvait l'être
de la Cour de France, et que sa dépen-
dance immédiate de Rome fut main- l
tenue. tdx:.
Mgr de Laval avait le plus grand
respect pour le Souverain Pontife et
pour l'Eglise Komaine. Il écrivait très- .
souvent au Saint-Siège, pour consulter
ou pour envoyer des rapports détaillés
— 50 —
sur l'état de son église du Canada Ce
fut surtout en refusant plus tard d'assis-
ter au conseil supérieur pour l'enregis-
trement des quatre articles qu'il fit voir
combien il était éloigné des idées galli-
canes. " C'est un honneur, a dit M. le
G-rand Yicaire Legaré, d'avoir su se
dérober quand il le fallait, à l'immense
ascendant que le génie de Bossuet exer-
çait sur le clergé de son siècle. La
cause de la vérité triompha sur l'estime
que l'on portait à cette grande lumière,
obscurcie un instant et comme couverte
d'un nuage. " ^ ^ .~
Le pays est encore redevable à Mgr
de Laval de la création d'un conseil
souverain. C'était là, comme on l'a vu
plus haut, l'un des buts de son voyage
en France et la preuve de sa grande
sollicitude pour tout ce qui touchait
aux intérêts de la colonie.
Mais l'œuvre fondamentale de Mgr
de Laval, celle qui, suffirait à immorta-
liser son épiscopat et qui redit encore
VV '
— 51 —
\
son nom à toute l'Amérique du Nord,
fut sans contredit le séminaire de Qué-
bec. Latour dit que ce fut " le chef-d'œu-
vre et l'ouvrage favori de ce saint Prélat."
En l'établissant par son mandement
du 26 mars 1663, Mgr de Laval s'ap-
puie sur le concile de Trente et sur
l'exemple de saint Charles Borromée.
Il veut que son séminaire " serve de
" clergé à cette nouvelle église ; on
'* y élèvera et formera les jeune j clercs
" qui paraîtront propres au service de
" Dieu... nous désirons que ce soit une
'' continuelle école de vertu et un lieu
" de réserve, d'où nous puissions tirer
" des sujets pieux et capables pour les
" envoyer à toutes rencontres, et au
" besoin dans les paroisses, et tous
" autres lieux du dit pays, afin d'y
" faire les fonctions curiales.... et les
" retirer des mêmes paroisses et fonc-
" tions, quand on le jugera à propos
Gomme on le voit, tous les curés étaient
amovibles, et d'après le mandement, ils
%
52
appartenaient au séminaire, qui rece-
vant toutes les dîmes, se chargeaient
de leur subsistance et était obligé de
les assister en santé et en maladie.
L'intention de Mgr de Laval était de
faire de tout son clergé une famille dont
il fût le père. Aussi l'appelait-il " la
sainte Famille des missions étrangères."
■ Le 30 décembre 1663, le séminaire
devint propriétaire du terrain qui envi-
ronnait la cathédrale, et trois ans plus
tard Mgr de Laval acheta de Gruillemet-
te Hébert, veuve de Gruillaume Couil-
lard, un emplacement de 16 arpents si-
tué dans un des plus beaux endroits de
la ville. C'est là qu'il fit construire
son séminaire qui fut d'abord une gran-
de maison en bois ; sur la porte on lisait
*' S. M. E." — séminaire des missions
étrangères. Le séminaire de Québec était
agrégé à celui des missions étrangères
de Paris ; cette union fut faite en 1665,
renouvelée en 1675, et confirmée par
le roi en 1676.
--• 53 -
Jusqu'en 1668, on se borna à former
aux fonctions ecclésiastiques les jeunes
gens qui avaient étudié chez les Jésui-
tes ou qui arrivaient de France suffi-
samment instruits. Mais bientôt il fal-
lut songer à fonder un petit séminaire,
et Mgr de Laval, toujours confiant en la
divine Providence, n'hésita pas à en fai-
re l'ouverture le 9 octobre de cette an-
née. On accommoda une vieille maison
achetée de madame Oouillard, et on y
logea les élèves dont le séminaire pay-
ait la pension chez les Jésuites. Ce-
pendant, vu le petit nombre de profes-
seurs disponibles, les enfants continuè-
rent de fréquenter les classes des Révé-
rends Pères.
Huit jeunes hurons et huit jeunes
canadiens furent les premiers élèves du
petit séminaire de Québec. Yoici ce
que dit Mgr de Laval dans une lettre
qu'il écrivait, le 3 novembre 1668, à M.
Poitevin, curé de St-Josse, à Paris :
" Comme le roi m'a témoigné qu'il sou-
— 54
haitait que l'on tâchât d'élever à la
manière de vie des français, les petits
enfants des sauvages, pour les policer
peu à peu, j'ai formé exprès un sémi-
naire où j'en ai pris un nombre à ce
dessein ; et pour y mieux réussir, j'ai
été obligé d'y joindre de petits français,
desquels les sauvages apprendront plus
aisément et les mœurs et la langue, en
vivant avec eux. "
Cependant l'évêque ajoute plus loin
que le succès de cette entreprise lui
parait fort douteux, et l'avenir justifia
ses prévisions. En effet, les efforts
réunis des instituteurs vinrent se briser
contre l'indolente nature des élèves, qui
avaient plus d'aptitudes pour la chasse
et la pêche que pour les éléments de la
grammaire, et il fallut bientôt renoncer
à l'idée d'avoir des élèves parmi les
sauvages. Ainsi se manifestait ce juge-
ment exquis, cet esprit de pénétration
qui caractérisaient à un si haut degré
le premier évêque du Canada.
Dans le même temps, Mgr de Laval
fondait un autre collège sur la Côte de
Beaupré, à St-Joachim Cette institu-
tion destinée aux enfants des paysans,
avait pour but d'enseigner les éléments
de la grammaire et du calcul, et de for-
mer les élèves à différents métiers, mais
surtout à l'agriculture. Les besoins de
la colonie, à cette époque, disent assez
l'utilité de la nouvelle maison fondée
par Mgr de Laval. 'r:m^ i .^i ^ ^ ^
Avec l'instruction, on y puisait aussi
le courage et la valeur qui font les
héros, témoins les prodiges de bravoure
des élèves de St-Joachim, pendant l'atta-
que des Anglais en 1690. . i^.*
Après la mort de son fondateur, cette
maison, privée de tout secours, ne fit
que languir jusqu'en 1715, et alors elle
fut complètement abandonnée. L'évêque
songea aussi à faire deux autres établis-
sements au Chateau-Richer, l'un pour
les sœurs de la congrégation, l'autre
pour un collège qui, à cause de la
— 56
iiii
proximité de la ville, aurait remplacé
celui de St-Joachim. Le second incendie
du séminaire de Québec en 1705 et le
décès du prélat en 1708 empêchèrent de
songer à réaliser ces projets ; les fonda-
tions de ces édifices sont encore visibles
près de l'église du Chateau-Eicher.
Mgr de Laval avait donné pour ainsi
dire toute son âme à l'œuvre de son
séminaire, il lui donna aussi sa fortune
et lui légua la seigneurie de Beaupré,
nie Jésus, la seigneurie de la Petite
Nation, et tous ses meubles, livres etc,
et arrérages de rentes qui se trouve-
raient en sa possession au moment de
sa mort. '':mi''f^'%i:^
En 1678, la grande maison en bois
bâtie en 1666 fit place à un nouvel
édifice en pierre, l'un des plus beaux du
pays, et capable de loger tous les élèves
du grand et du petit séminaire.
i L'Evêque demeurait aussi avec tous
ses prêtres dans ce séminaire qu'il avait
fondé. " Rien, dit l'histoire manuscrite
— ôi
du séminaire de Québec, ne représente
mieux la primitive Eglise que la vie de
ce clergé. Ils n'étaient tous qu'un
oœur et qu'une âme sous la conduite
de Mgr de Laval. Ils ne faisaient
qu'une seule famille dont il était le père.
Biens de patrimoine, bénéfices simples,
pensions, présents et honoraires, ils
mirent tout en commun. Monseigneur
de Laval ne faisait rien de considérable
que de concert avec tout son clergé ;
ses biens étaient aussi en commun. Il
n'y avait ni riches, ni pauvres, ils
étaient tous frères. ^-, >,.,.. -^ .*? t. «^^
Fondée par un saint, habitée par des
ecclésiastiques qui rappelaient les
vertus des premiers chrétiens, une telle
maison ne pouvait manquer d'attirer
sur elle les plus précieuses bénédictions
du ciel. Aussi serait-il difficile de dire
tout le bien qu'a fait et fait encore le
séminaire de Québec dans le Canada et
l'on peut dire dans toute l'Amérique
Septentrionale L'arbre planté par Laval
58
^ grandi, arrosé par bien des larmes,
ses rejetons sont vigoureux, et il peut
aujourd'hui convier tous les enfants du
pays à s'asseoir à l'ombre de ses bran-
ches et à se nourrir de ses fruits.
Montréal avait aussi son séminaire
commencé par M. l'abbé de Qaeylus et
M. l'abbé Drouart, tous deux prêtres de
Saint-Sulpice. L'histoire de l'Hôtel-
Dieu de Québec dit que '* cette nouvelle
maison a été soutenue depuis par les
sujets que le séminaire de Paris lui en-
voie tous les ans, qui édifient le peuple
par leurs vertus, qui l'aident et le con-
solent par leurs instructions et qui le
soulagent par les abondantes aumônes
qu'ils répandent dans toute l'étendue
de cette île. " Comme on le voit, les
«ulpiciens d'alors étaient bien ce qu'ils
sont aujourd'hui ; ils ont fait pour
Montréal ce que les prêtres du sémi-
naire des Missions Etrangères ont fait
pour Québec.
CHAPITRE YI
M. de Mézy. — M. de Tracy. — Conversion des protes-
tants. — Cérémonies à la Cathédrale. — Ordination. —
Translation de reliques. — Les Hospitalières de
Montréal. — La Sœur Bourgeois. — La Mère de Saint-
Augustin. — La Mère de l'Incarnation. — Les Jésui-
tes. — Les Eécollets. ,
M. de Mézy, avons-nous dit dans le
cours de cette esquisse, avait été appelé
au gouvernement du Canada par Mgr
de Laval, avec lequel il avait été fort
lié autrefois, et qui appréciait vivement
ses qualités et ses vertus. Malheureu-
sement certaines questions d'amour-
propre et d'intérêt, l'intervention de
quelques esprits mécontents, et intéres-
sés à lui rendre suspects l'évêque et le
clergé, changèrent entièrement les bon-
nes dispositions du nouveau gouver-
neur. Non content de s'opposer à toutes
'ni
60 —
N
^ê
les vues de son supérieur ecclésiastique,
il lui refusa encore les devoirs de la
plus stricte bienséance. Dépassant
toutes les limites, son irritation le
poussa même à des excès tellement
regrettables envers Mgr de Laval, que
la population entière protesta à la cour
contre M. de Mé^y. Aussi, dès l'année
1664, l'odieuse conduite du gouverneur
obligeait-elle le roi à le révoquer de ses
fonctions.
Déjà le coupable était jugé par Dieu.
Avant sa mort, qui arriva en 1665, il re-
connut ses torts et sollicita le pardon de
Mgr de Laval. De plus, il fît afficher par
toute la ville, un acte où rétractant
toutes ses paroles et tous ses écrits
contre le chef de l'église du Canada, et
confessant ses fautes, il regrettait le
scandale qu'elles avaient donné. Son
testament contenait les mêmes solen-
nelles réparations. C'est dans ces sen-
timents que le gouverneur expira,
pressé dans les bras de l'évêque qui
— 61
l'avait confessé et réconcilié avec Dieu.
M. de Mézy fut remplacé par M. de
Tracy, qui arriva à Québec le 30 juillet
1665, en qualité de Vice-Roi. Il était
accompagné du régiment de Carignan,
troupe d'élite qui se fixa au pays- et
d'où plusieurs de nos bonnes familles
canadiennes tirent leur origine.
Il fit oublier à Mgr de Laval les per-
sécutions de son prédécesseur. D'une
piété égale à sa bravoure, il protégea la
religion et prêta l'appui de son autorité
à l'évêque, comme à ses ministres.
Pendant son séjour un grand nombre
d'abjurations eurent lieu dans la cathé-
drale. Spectacle touchant qui dut faire
verser d'abondantes larmes à i'évêque
et à toute l'assistance. Yoici l'acte
d'une de ces abjurations, tel que nous
le trouvons dans un précieux registre :
" L'an de grâce seize cent soixante et
cinq, le huitième jour d'octobre, Isaac
Berthier, capitaine au régiment de
l'Allier, de la paroisse de Bergerac en
— 62
ll!i||
m-
.'iWilffllH:
!ii
Périgord, diocèse de Périgueux, a fait
abjuration solennelle de l'hérésie de
Calvin, dans l'église paroissiale de
Notre-Dame de Québec, entre les mains
de Messire François de Laval, évêque
de Pétrée, Vicaire Apostolique, en la
Nouvelle-France, et nommé par le roi,
premier évêque du dit Pays. En pré-
sence de Mgr de Tracy, gnal des armes
du Eoi en toute l'Amérique du Nord,
de Mons. de Courcelles, gouverneur
pour le Roi en ce pays, de Mons. Talon,
Intendant pour Sa Majesté au dit pays.
François, évêque de Pétrée."
On se servait de la formule suivante
pour chaque abjuration : -^ >f
" Au nom du Père, du Fils et du St-
Esprit.
" Je N. N. ayant reconnu par la grâce
de Dieu, la vérité de la foi Catholique,
Apostolique et Romaine et étant due-
ment instruit de ce qu'elle contient et
enseigne, je proteste publiquement, en
présence de Dieu, de la Très Sainte
— 63 —
a fait
ie de
e de
cnaius
v^êque
en la
le roi,
n pré-
armes
Nord,
erneur
Talon,
Vierge, de tous les saints, de vous, mon
Père, et de tous ceux qui sont icy pré-
sents et que ie prends à témoins que ie
renonce à toute hérésie, et particulière-
ment à celle de la religion prétendue
reformée dans laquelle iay vécu iusques
a maintenant et que ie consens libre-
ment et adhère volontairement à tout
ce que la Sainte Eglise Catholique,
Apostolique et Romaine croit et ensei-
gne. J'en fays profession de cœur et
de bouche et promets de la garder et
suivre sincèrement et inviolablement
iusques à la mort, croyant fermement
que hors d'icelle, il n'y a point de salut.
Ainsi ie l'assure et le iure sur les saints
Evangiles." :;, :.:.:^-- v. ,■-.;•-:■ irtï.:^: ./';..,. :
Une autre solennité non moins impo-
sante et qui pour la population cana-
dienne avait tout le prestige du nou-
veau, fut l'ordination du premier prêtre
canadien. M. Grermain Morin, que nous
avons nommé plus haut reçut l'onction,
sacerdotale le 19 septembre 1665.
— 64 —
r. '/
I H
I
Les cérémonies à la cathédrale étaient
déjà, à cette époque, très-imposantes.
Mgr de St Valier en fut émerveillé en
1685. A part les chanoines, on voyait
au chœur soixante enfants, qui portaient
en hiver une soutane et un camail rou-
ges, avec un surplis ordinaire ; l'été le
camail était remplacé par un bonnet
carré. ' • .r.*
Mgr de Laval qui désirait suivre en
tout la direction de Rome avait dès son
arrivée, prescrit l'usage du rituel
Romain dans tout son diocèse. >> =
En 1666, on fit la translation solen-
nelle des reliques des saints martyrs
Flavien et Félicité, don du pape à Mgr
de Laval, en 1662, et qui aujourd'hui
encore sont enchâssées dans le maître-
autel de la basilique. v^^/y
Dans une lettre à son fils, la Mère de
l'Incarnation décrit ainsi cette fête
magnifique : ^'''^IL^OMMàMik-
.,ït II ne s'était pas encore vu dans ces
contrées, une si belle cérémonie. Il y
M
65 —
avait à la procession, quarante sept
ecclésiastiques en surplis, chapes, cha-
subles et dalmatiques. Comme il fallait
porter les reliques dans les quatre égli-
ses de Québec, nous eûmes la consola-
tion de voir cette imposante cérémonie.
M. de Tracy, vice-roi, M. de Courcelles,
gouverneur, avec les deux plus consi-
dérables de la noblesse, portaient le
dais. Les plus élevés en dignité d'entre
les ecclésiastiques, portaient les quatre
grandes chasses sur des brancards
magnifiquement ornés. La procession
sortant d'une église y laissait une
chasse. La musique ne cessa point,
tant dans les chemins, que dans les
stations. Monseigneur suivait les
saintes reliques et la procession, en
habits pontificaux. Je n'aurais jamais
espéré de voir une si grande magnifi-
cence dans l'église du Canada, où quand
je suis venue, je n'avais rien vu que
d'inculte et de barbare. C'est une chose
ravissante de voir M. de Tracy dans une
5
66 —
exactitude merveilleuse à se rendre le
premier à toutes ces saintes cérémonies,
car il n'en perdrait pas un moment.
Son exemple a tant de force que le
monde le suit, comme des enfants sui-
vent leur père. Il favorise et soutient
l'Eglise par la piété et par le crédit qu'il
a universellement sur tous les esprits. "
Cette dévotion du gouverneur s'af-
firma particulièrement dans un pèleri-
nage qu'il fit avec Mgr de Laval, à Ste-
Anne de Beaupré, le 17 août 1666. On
remarque encore aujourd'hui, au-dessus
du maître-autel, le tableau donné à cette
occasion par le pieux pèlerin.
Monseigneur de Laval n'oubliait pas
ses communautés religieuses ; il les visi-
tait, les dirigeait avec une sagesse
admirable et les consolait dans leurs
épreuves. Il sollicita lui-même, en 1669,
des lettres patentes du roi pour l'établis-
sement définitif de l'Hotel-Dieu de
Montréal, qui existait déjà depuis dix
ans, et en 1676, il approuvait par un
67
mandement la congrégation de Notre-
Dame fondée à Ville-Marie par la véné-
rable Sœur Bourgeois. Cette sainte fille
avait toute l'estime et l'affection de son
premier supérieur et, quand elle mou-
rut, il rendit hommage à ses A^ertus.
" C'était, écrivait-il, un fruit mur pour
" le ciel, elle a été un sujet d'édifica-
" tion pendant sa vie, elle nous doit
" servir d'exemple après sa mort.
*' Elle était simple et humble, et Dieu
" lui a fait bien des grâces elleser-
" vira auprès de Notre Seigneur d'un
" graiid secours à notre communauté. "
Les annales des Ursulines et de
l'Hotel-Dieu de Québec, nous disent
quelle vénération avaient ces deux
communautés pour Mgr de Laval, et
quel fut son dévouement pour elles.
Le sainî: Evêque comprenait quels
trosors Dieu avait mis pour ainsi dire
entre ses mains, quand il lui avait
confié des âmes d'élite comme la sœur
Bourgeois, la mère de l'Incarnation et
— 68
l'ii'i
la mère de Saint-Augustiii. Il survécut
à ces trois femmes admirables, confiant
que par leurs mérites et leurs prières,
elles lui prépareraient aussi sa place au
ciel. A peine la mère de Saint- Augustin
avait-elle rendu le dernier soupir qu'il
chargea le Père Raguenau d'écrire sa
vie, d'après les notes qu'elle avait
laissées elle-même, sur l'ordre formel
de Mgr de Laval, pour faire connaître
les opérations de Dieu dans son âme.
Après la mort de la mère de l'In-
carnation, il écrivait : " Le témoigna-
*' ge que nouspouvons en rendre est
*' qu'elle était ornée de toutes les vertus
" dans un degré très-éminent
" Sa vie, commune à l'extérieur, était à
" l'intérieur toute divine,de sorte qu'elle
*' était une règle vivante pour toutes ses
" sœurs nous ne doutons pas que
" ses prières n'aient obtenu en grande
" partie les faveurs dont jouit mainte-
" nant l'Eglise naissante du Canada. "
On a vu précédemment en quelle
— 69 —
estime Mgr de Laval tenait les ER.
Pères Jésuites et quel encouragement il
donnait à leurs missions. Les Kécollets
reçurent aussi son paternel appui. Ces
Religieux qui,les premiers, avaient évaii-
gélisé le Canada, où ils étaient arrivés
en 1618, et dont l'établissement avait
été détruit par les Anglais en 1629,
revinrent à Québec en 1670. Mgr de
Laval les assista bien souvent dans leur
pauvreté et, dès leur retour au pays, il
leur confia le soin des missions des
Trois-Rivières, de l'Ile Percée, de la
Rivière Saint- Jean et au Fort de Fron-
tenac. .
mde
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îi
lell'
>f-v.
,,:■■■ i-^'
^{'.,i ■_ .:) , f,'
CHAPITRE VII
'■•S
2e voyage en France. — La Bonne Sainte Anne. — 3e
voyage. — Mgr de Laval est gravement malade. — Il
veut donner sa démission et fait son 4e voyage en
France. — Eloge qu'en fait Mgr de St Valier.
En 1672, Mgr de Laval entreprenait,
dans les iTitérêts de sa chère Eglise, un
second voyage en France. Il y demeura
trois ans, ne reculant devant aucune
démarche, aucun effort, pour faire
prévaloir les droits de la justice et de
la religion.
A son retour en 16Y5, il travailla
avec un redoublement de zèle au bien
spirituel et temporel de son troupeau.
Sa piété ne lui faisait négliger aucune
des dévotions qu'il croyait nécessaires
ou utiles. C'est ainsi qu'en 1665, il avait
établi la confrérie de la Ste Famille et
-fi-
celle du saint scapulaire et qu'il encou-
ragea toujours le culte rendu à la Bonne
Ste Anne de Beaupré.
La chapelle dédiée à cette grandtî
thaumaturge fut reconstruite, avec son
autorisation, en 16Ï6.
Le passage suivant d'une de ses
lettres fera voir l'intérêt qu'il prit à
cette église et aux nombreux pèlerinages
qui s'y faisaient, ^ ;<
*' Comme M. Morel devait faire quel-
ques quêtes pour le rétablissement de
l'église de Ste Anne, et que je me per-
suade aisément qu'il aura encore amassé
quelque chose pour joindre au reste du
fond, tant de ce qu'il m'a baillé que de
ce qui est entre les mains des Boulan-
gers, qui se monte bien à cinq cents
francs, au cas que l'on envoyât six
maçons, il en faudrait accommoder Ste
Anne de deux, et commencer au moins
l'été de 1680, à moins que les navires
de cette année n'arrivassent de si bonne
heure que l'on pût commencer dès cette
— 12
année. Ce qui aurait un bon effet et
exciterait les peuples à continuer leurs
charités pour le rétablissement d'une
église où tout le pays a une si grande
dévotion. "
En effet, à cette époque et plusieurs
années auparavant, on accourait en
foule vers la Bonne Ste Anne de
Beaupré, à laquelle on faisait, comme
aujourd'hui, des vœux et des offrandes.
C'est en 1665 que la mère de l'Incarna-
tion écrivait : " A sept lieues d'ici, il y
a un bourg appelé le Petit Cap où il y a
une église de Ste Anne, dans laquelle
Notre Seigneur fait de grandes mer-
veilles en faveur de cette mère de la
Très Ste Yierge. On y voit marcher les
paralytiques, les aveugles recouvrer la
A'ue, et les malades de quelque maladie
que ce soit recevoir la santé. '*
Aussi le pieux évêque de Québec,
touché des merveilles qui, dès l'origine
du Canada, ont rendu si célèbre ce lieu
de pèlerinage, en approuva le recueil
1S
authentique fait par M. Thomas More],
curé de Ste Anne de Beaupré ; " tout ce
" qu'il contient est conforme à la vérité
" et très propre à fav^oriser la dévotion
" envers la mère de la Ste Vierge.
" Nous affirmons que rien n'a contribué aussi
" efficacement aux progrès de cette Eglise
" naissante que la dévotion spéciale que le
" peuple de tout le pays professe envers cette
" grande sainte^ dévotion qui le distingue
" certainement des autres peuples. " 25 juin
1680.
L'année suivante, les désordres causés
par le trafic de l'eau-de-vie, désordres
auxquels l'autorité et la fermeté de
l'évêque s'étaient, comme on l'a vu, tou-
jours opposées, l'obligèrent à se rendre à
la cour pour la troisième fois. Malheu-
reusement les efforts multipliés de
l'énergique prélat allèrent se briser
contre les préventions que le gouver-
neur et l'Intendant de l'époque avaient
inspirées au roi, et, après deux ans de
luttes infructueuses, brisé par les épreu-
Y4-~
ves et les infirmiti'^s, le prélat reprit le
chemin de son diocèse.
Tant de travaux, de fatigues, de
déceptions, de si profonds chagrins, les
misères que lui causèrent les Récollets,
en s'obstinant, contre sa volonté, à
construire une église et un nouveau
monastère, amenèrent chez Mgr de
Laval une maladie qui le conduisit aux
portes du tombeau.
A peine revenu à la vie, le courageux
pasteur poursuivit sa tâche. Mais elle
était si ardue, et l'apôtre si atTaibli, qu'il
dût bientôt songer à prendre un repos
nécessaire, et c'est pour réparer ses
forces épuisées, qu'il se rendit à la cam-
pagne, dans une maison du séminaire.
La souffrance le suivit dans sa retraite.
Ajoutons à cela les ravages qu'une
maladie terrible exerça à Québec vers
la même époque, l'incendie qui con-
suma la Basse-Yille en 1682, l'effroi
général produit sur le peuple par l'ap-
parition d'une comète, et l'on reconnaî-
I
Si
75 —
rit le
s, de
is, les
)llets,
ité, à
iveau
rr de
it aux
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is elle
qu'il
epos
r ses
cam-
naire.
raite.
l'une
vers
con-
efFroi
• l'ap-
nnaî-
tra qu'il fallait toute la force d'âme de
l'homme de Dieu, pour supporter sans
mourir, de semblables afflictions.
C'est pendant ces jours d'épreuves
que la charité de Mgr de Laval brilla
d'un plus vif éclat. Il faisait beau le
voir au chevet des malades et des mou-
rants, consolant ceux-ci, encourageant
ceux-là, dépensant envers tous, les
trésors inépuisables d'un cœur essen-
tiellement sympathique et généreux.
Les indigents étaient l'objet particulier
de son dévouement. Pour soulager leur
détresse, il se réduisit à une sorte de
pénurie, et l'on dit qu'à cette époque
néfaste, il versa trente mille livres dans
le sein des pauvres, somme énorme
pour le temps et pour les minces res-
sources du généreux donateur. Ses
charités unies à ses prières, fléchirent
enfin le ciel. Le calme succéda au
trouble, et la maladie cessa d'exercer
ses ravages. ^ _i^.*----. ^^^
Revenu un peu à la santé, Mgr de
ikilÈgl
— 76 —
i • iÈ
i4l
Laval ne songea plus qu'à donner sa
démission.
'* Les forces de Mgr de Laval ne pou-
vaient suffire à son zèle, dit l'Histoire
de l'Hôtel-Dieu, les fatigues continuel-
les qu'il essuyait dans les visites de son
diocèse, qu'il faisait quelquefois en
raquettes, lui avaient déjà fait contrac-
ter plusieurs infirmités et par dessus
tout cela, son humilité lui persuadait
qu'un autre à sa i^ ce ferait plus de
bien que lui, quoiqu'il en fit véritable-
ment beaucoup, parce qu'il ne cher-
chait que la gloire de Dieu, et le salut
de son troupeau. Sa doctrine et ses
éminentes vertus le faisaient regarder
comme un très-digne prélat ; lui seul
souhaitait d'être déchargé. "
Dans une de ses lettres, le bon évêque
attribue en partie sa démission à une
affection du cœur, qui le réduisait par-
fois à ne pouvoir se lever de son lit, et
à une espèce de congestion cérébrale
qui lui faisait éprouver des éblouisse-
77
ments et un long mal de tête, après une
étude fatigante.
C'est donc dans le dessein d'obtenir
un remplaçant au siège de Québec, que
Mgr de Laval traversa de nouveau les
mers pour la 4e fois. Déjà il y songeait
depuis quelque temps. 11 avait chargé
M. Dudouyt, son procureur à Paris, de
faire sans bruit quelques recherches sur
un sujet propre à le remplacer. Le 28
mars 1684, M. Dudouyt lui annonçait,
qu'après avoir consulté M. Tronson et
le Père LeValois, il croyait lui avoir
trouvé un bon successeur, dans la per-
sonne de l'abbé de St-Valier.
Sa lettre renfermait un portrait du
candidat avec les raisons pour et contre.
Mgr dé Laval crut que c'était le meil-
leur choix et partit de suite pour la
France afin de le faire ratifier par le roi.
La Providence permit que le prélat
rencontrât encore des obstacles. Mais
cette fois, son grand mérite seul les fit
naître. Car Louis XIY connaissant ses
78
II
1: !i
hautes vertus, l'immense influence que
sa popularité exerçait dans son diocèse,
et le bien qui résultait de sa sage admi-
nistration, hésitait à lui donner un suc-
cesseur. Mgr de Laval en avait rendu
la nomination extrêmement difficile.
Cependant, vaincu par ses prières,
touché de ses infirmités, le monarque
finit par se rendre. Il fut convenu entre
M. de St-Valier et l'évêque de Québec,
que le premier viendrait au Canada, en
qualité de G-rand Vicaire, afin de visiter
son futur diocèse et d'en étudier les
divers besoins, pendant que Mgr de
Laval, restant en France, y solliciterait
les bulles du St Siège.
C'est en 1685 que le nouveau digni-
taire arriva au pays ; il fut émerveillé
de l'état florissant de la colonie, et
surtout de l'église qui venait d'être
confiée à ses soins.
A cette époque, il y avait à Québec,
le Château St-Louis, le séminaire, le
monastère des Ursulines, l'Hotel-Dieu,
— 79 —
le vaste collège des Jésuites, en face de^
la Cathédrale, et le Couvent des Eécol-
lets appelé alors Notre-Dame des Anges,
aujourd'hui devenu l'Hôpital Grénéral,
et habité à cette époque par quinze
religieux. Quarante paroisses bien cons-
tituées s'échelonnaient sur chacune des
rives du fleuve St-Laurent. La popu-
lation de la Nouvelle-France s'élevait à
environ 10725 habitants, et celle de
Québec à 2205. Il y avait cent quatre-
vingt-sept maisons dans la ville.
En voyant l'état si prospère du pays,
en constatant le bien qu'y avait fait la
religion, Mgr de St-Yalier attribua ces
heureux résultats à l'esprit d'initiative
et de zèle de Mgr de Laval ; il fit de lui
ce bel éloge : " je m'estimerais heureux si
je pouvais soutenir le bien que M. de
de Québec avait établi avec tant de bé-
nédiction et tant de peine, pendant près
de trente années. La noble maison de
Laval dont il est sorti, le droit d'ainesse
de sa famille auquel il a renoncé, ea
— 80 —
entrant dans l'état ecclésiastique, la vie
exem plaire qu'il a menée en France avant
qu'on pensât à l'élever à l'épiscopat, le
zèle et l'application avec laquelle il a
gouverné si longtemps l'Eglise, soit en
qualité de Vicaire Apostolique, Evêque
Pétrée, soit en qualité de premier évêque
de Qaébec, dont le titre a été érigé à
Rome en 16*74, à l'instance de Louis-le-
Grand, qui a dotél'évêché; la constance
et la fermeté qu'il a eues à surmonter
tous les obstacles qui se sont opposés en
diverses occasions et en différentes ma-
manières à la droiture de ses intentions
et au bien de son cher troupeau ; les
soins qu'il a pris de la colonie des fran-
çais et de la conversion des sauvages,
les navigation, qu'il a entreprises plu-
sieurs fois pour le bien des uns et des
autres ; le zèle qui le pressa de repasser
en France, il y a trois ans, pour venir se
chercher un successeur, son désintéres-
sement et 1 humilité qu'il a fait paraître
en offrant et en donnant de si bon cœur
81
sa démission pure ei; simple, enfin toutes
les grandes vertus que je lui vois prati-
quer chaque jour dans le séminaire où
je demeure avec lui, mériteraient bien
en cet endroit de solides louanges, mais
sa modestie m'impose silence, et la vé-
nération qu'on a pour lui partout où il
est connu est un éloge moins suspect
que celui que j'en pourais faire : l'hon-
neur qu'il m'a fait de jeter les yeux sur
moi pour remplir sa place, m'a mis sur
les épaules, un fardeau si fort audessus
de mes forces, qu'il me semble que, sans
être ingrat, il me serait permis de n'en
être pas tout-à-fait reconnaissant ; il lui
était aisé de mieux choisir, et je sens
bien qu'il me sera difficile de soutenir
l'idée qu'il a eue de ma personne quand
il m'a proposé au roi, tout indigne que
je suis pour un si redoutable ministè-
re.
V,
4
CHAPITRE VIII
I.ettre de Mgr de Laval.— Son retour au Canada — Siège
de Québec— Les doux incendies du séminaire — Mort
de Mgr de Laval.— Ses funérailles.
Après un séjour de deux ans au Cana-
da, pendant lequel il exerça tous les
pouvoirs de l'évêque, Mgr de St-Yalier
s'embarqua pour la France, en 1687, aliii
de recevoir la consécration épiscopale.
Le nouvel évêque eut beaucoup de
peine à obtenir ses bulles. Mgr de
Laval fait mention de ces difficultés
dans une de ses lettres à M. de Bernières,
le 18 mars 168Î : " M. Dudouyt vous
donne avis de tout ce qui s'est passé
depuis le retour de M. de St-Yalier qui
ne pourra pas avoir ses bulles, cette
année, et par conséquent repasser en
Canada ; et moi conformément aux son-
83
timeuts que le Seigneur me fait la mi-
séricorde de me continuer, j'y retourne
comme aux lieux où mon cœur est insé-
parablement attaché, en sorte que quand
je serais assuré de mourir sur la mer, je
m'embarquerais pour n'être pas privé
au moins de la consolation de mourir
dans l'accomplissement du bon plaisir
de Notre Seigneur, dans lequel doit
«onsister notre bonheur pour le temps
et pour l'éternité."
Si Mgr de Laval était anxieux de
revoir le pays fécondé par ses sueurs et
son dévouement, son ancien troupeau
ne soupirait pas après son retour avec
moins d'impatience. Nous en avons la
preuve dans une lettre que le Chapitre
de Québec écrivait au cher prélat, le 10
octobre 1687 :
"...Agréez cependant. Monseigneur,
la protestation qu'elle (la Compagnie)
vous fait de conserver pour votre Gran-
deur une reconnaissance immortelles des
bienfaits qu'elle eu § çe^US, entre |tî8-
— 84 —
I ''{
is
quels celui dont elle vous sera éternelle-
ment redevable est d'avoir été son insti-
tuteur, son fondateur et son père.
" C'est par rapport à des titres si
glorieux et si aimables tout ensemble
pour nous, que nous sommes résolus
d'avoir toujours pour votre G-randeur
des cœurs de véritables enfants. Plaise
à Dieu, Monseigneur, que les enfants
aient la joie de revoir et de vivre en la
compagnie de leur Père.
"C'est la grâce que nous ne cesserons
de lui demander, sous le bon plaisir
toutefois de son adorable et amoureuse
Providence, aux ordres de laquelle nous
savons que votre G-randeur est entière-
ment soumise.
" Nous vous demandons en toute hu-
milité votre sainte bénédiction et som-
mes, avec un profond respect.
Monseigneur, de Yotre Grandeur,
Les très humbles et obéissants serv.,
'' Les doyens et chanoines de l'Eglise
Cathédrale et Chapitre de Québec.
" De Québec, daus uotro assemblée géuorale,cell octobre 16S7."
— 85 —
Mgr de Laval répondait d^ns les ter-
mes suivants à ces protestations si flat-
teuses de respect et de reconnaissance :
" Il ne me reste plus, messieurs
et très chers Frères, qu'à vous remercier
de la bonne affection que vous conser-
vez à mon endroit, et à vous assurer
qu'il ne tiendra pas à moi que je n'aille
au plus tôt me réunir avec vous dans
une Eglise naissante que j'ai toujours
chérie comme la portion et l'héritage
qu'il a plu à Notre Seigneur de me
conserver pendant près de trente ans.
Je supplie sori infinie bonté que Celui
entre les mains duquel il l'a lait passer,
par ma démission, répare toutes mes
fautes. Je feuis en son amour et celui
de sa sainte Mère
Votre très humble et
très affectionné serviteur,
(Signé) t FRANÇOIS,
Premier Evêque de Québec.
De Paris, ce 18 janvier 1688."
/
■—86 —
Ces deux lettres qui, nous le croyons,
n'ont jamais été publiées, font voir l'at-
tachement et l'affection filiale du Cha-
pitre de Québec pour Mgr de Laval et
la haute opinion qu'il avait de ses vertus.
Avant de se réunir à l'église qu'il
avait fondée au prix de tant de labeurs,
le vertueux prélat dut se heurter aux
pressantes sollicitations de sa famille et
de ses amis, qui employèrent pour le
retenir en France, toutes les ressources
que peut suggérer une vive tendresse.
La sollicitude pour ses anciens diocé-
sains, son culte pour le séminaire de
Québec, son dévouement pour tout ce
touchait au Canada, triomphèrent de
toutes les instances, et, au printemps
de l'année 1688, le père était rendu à
ses enfants.
Eloigné depuis trois ans de son cher
troupeau, vivement désiré de tous, Mgv
l'Ancien, comme on l'appelait alors pour
le distinguer de son succe^sseur, fut reçu
avec les démonstrations de la joie la plus
m^
— 87
vive. Il s'y déroba bientôt cependant,
son zèle l'entraînant vers les paroisses
qu'il avait érigées avec tant de peines.
C'est ainsi qu'il remonta le St-Laurent
et s'arrêta assez longtemps à Montréal.
Mgr de St-Yalier ne vint au Canada que
cinq ou six mois après le premier évêque.
Celui-ci, dont la faiblesse et les infir-
mités augmentaient sans cesse, avait fait
du séminaire l'asile de ses dernières
années. De sa solitude, il s'intéressait
vivement à son ancien diocèse, suivant
avec sollicitude les développements de
la colonie, et mettant avi service de tous,
les lumières de sa longue expérience.
Que d'actes inconsidérés, que de dis-
sontions, sa prudence et son esprit de
conciliation ne comprimèrent-ils pas !
Malheureusement il est des troubles que
son dévouement fut impuissant à com-
battre ou à prévenir, et,contrarié dans ses
vues les plus chères, le bon prélat ne
pouvait souvent que prier pour son
Eglise et la paix du pays.
m
— 88 —
I
Il fut particulièrement éprouvé pen-
dant le siège de Québec par les Anglais,
en 1690. Dans ces jours de deuil et
d'alarmes pour la colonie, la grandeur
d'âme de Mgr de Laval ne l'abandonna
pas un instant. Fidèle à ses traditions,
l'héroïque vieillard était partout où il
y avait un courage à relever, une âme
à consoler.
D'après son avis on mit le succès des
armes canadiennes sous la protection
de la Ste Vierge, promettant à cette
puissante Mère que, si la victoire appar-
tenait au Canada, l'église de la Basse-
Yille, érigée depuis deux ans à peine,
serait placée sous le voc able de N. D.
des Yictoires.
Marie exauça ce vœu. Les Anglais
furent repoussés avec perte, et Québec
fut délivré après avoir été assiégé pen-
dant sept jours, r ^^
Bien que toujours malade et souf-
frant, Mgr de Laval vécut encore de
longues années, retenu providentielle-
89
ment pour le bien du diocèse dont
l'évêque titulaire fut éloigné pendant
plus de 12 ans. Mgr l'ancien n'rtait
pas administrateur en titre, mais rien
d'important n'était fait sans ses con-
seils, et toutes les chroniques s'accor-
dent à reconnaître les services émi-
ments qu'il rendit à la colonie, pendant
les longues absences de son successeur.
Douze prêtres furent ordonnés par lui
de 1691 à 1708.
En 1696 le précieux registre des con-
firmations mentionne qu'il confirma à
la cathédrale 162 personnes, et en 1701,
322 à la chapelle du séminaire. Il eut
le courage à l'âge de 81 ans d'aller
administrer le même sacrement à Mont-
réal et dans les paroisses voisines.
Dieu qui voulait associer son servi-
teur aux amertumes de sa Passion, per-
mit que ses derniers jours fussent rem-
plis de chagrins et de déboires. -
L'épreuve la plus sensible au cœur de
Mgr de Laval fut sans contredit l'in-
90
-cendie de son séminaire, le 15 novem-
bre 1701. De cet édifice qui, par sa
beauté et ses proportions, faisait la
gloire de Québec. '1 ne resta que des
ruines. Le vénérable évêque lui-même
fut à grand peine retiré des flammes.
Quelle ne fut pas sa douleur en voyant
s'écrouler en un jour le chef-d'œuvre de
sa vie, l'objet de ses plus chères espé-
rances ! Cependant en face de ce mal
heur terrible, nul ne montra plus de
résignation, nul n'enlaça la croix avec
plus de religieuse fermeté.
Quatre ans après, un nouveau sémi-
naire s'élevait sur les cendres de l'an-
cien. On poursuivait activement les
derniers travaux de reconstruction,
lorsqu'un second incendie vint anéantir
le nouvel édifice. Une âme moins for-
tement trempée que celle de Mgr de
Laval eut succombé sous le poids écra-
sant de ce nouveau désastre. Lui, sans
fie laisser abattre, baisa, comme toujours.
m\
i',
— 91
la main qui le frappait sans relâche
dans ses affections les plus chères.
Cependant le Seigneur voulait récom-
penser la résignation du vertueux
prélat. " Depuis longtemps, dit la
pieuse auteur de l'Histoire de l'Hôtel-
Dieu, il languissait dans les infirmités
que ses immenses travaux et son grand
âge lui avaient attirées ; il approchait
du terme que les justes regardent
comme l'objet de leurs désirs. Un
prêtre du séminaire qui avait tou-
jours eu pour lui une parfaite véné-
ration, le voyant près de sa fin, lui
dit : Nous quitteriez-vous sans nous
rien dire ? Et lui nommant plusieurs
prélats qui ont exhorté leurs enfants
spirituels avant que de mourir et qui
leur ont donné des avis salutaires, il
ajouta : Pourquoi ne feriez-vous pas
comme eux ? Le prélat lui répondit :
Ils étaient des saints et je suis un
pécheur, il ne témoigna pas moins
le désir qu'il avait du srlut de son
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92
" troupeau, et plein de grands senti-
" ments, il mourut le 6 de mai 1Y08. "
Mgr de Laval était âgé de 85 ans, il
était évêque depuis 50 ans et avait gou-
verné pendant 35 ans l'église de la
Nouvelle-France.
Jaro.ais prélat ne fut plus vivement
regretté. La colonie toute entière s'émut
de cette perte immense. Cinquante ans
de dévouement, de soins vigilants, de
paternelle tendressse avait établi entre
le pasteur et le troupeau des liens pres-
que indissolubles, et chacun pleurait en
lui un ami, un bienfaiteur, un père,
Une fois la nouvelle de cette mort
répandue dans la ville, la foule entoura
sa dépouille mortelle et chacun s'em-
pressait de faire toucher au corps du
Prélat, des chapelets, ou d'autres objets
d^e piété. Les enfants eux-mêmes
criaient : laissez-nous approcher, iaissez-
nous \oir le saint.
Les annales des TJrsulines qui rap-
portent ce fait, rendent compte de l'im-
/"
'■'i
93
pression que produisit dans les commu-
nautés la mort de Mgr de Laval :
*' Les communautés religieuses, ayant
témoigné un grand désir de voir les
restes vénérés du Prélat défunt, les
Messieurs du séminaire nous accordè-
rent cette faveur. On tendit les églises
de noir, et l'on fit au milieu une éléva-
tion toute entourée de lumières pour y
poser le précieux dépôt. Le troisième
jour donc, six ecclésiastique, qui se chan-
geaient à chaque station, portèrent le
saint corps dans les quatre églises de la
haute ville, savoir : chez les KR. PP.
Franciscains, dans notre petite chapelle,
à l'église des 11 K. P P. Jésuites et enfin
à l'Hôtel-Dieu, d'où le convoi se dirigea
vers la cathédrale pour l'inhumafion.
Les clergé, y compris les enfants de
chœur, était bien de cent cinquante
personnes ; tous les curés de trente
lieues à la ronde s'étaient rendus à
Québec, et les religieux s'étaient joints
au cortège. Jamais on n'avait vu en ce
--.94 —
pays de convoi de pompe funèbre sem-
blable : aussi était-ce la pompe funèbre
du saint premier Evêque de la Nouvelle
France! "
"Après la mort du prélat, dit M. de
la Tour, on fit des procès-verbaux sur
plusieurs miracles opérés à son tom-
beau." Malheureusement ces procès-
verbeaux dressés par M. le Grand Vi-
caire Griandelet n'ont jamais pu être
retrouvés.
CHAPITRE- IX
Trauslat ion des restes de Mgr de Lava^ .
Depuis près de doux siècles, Mgr de^
Laval dormait en paix dans la vieille-
cathédrale de Québec, lorsque la décou-
verte de ses ossements bénis, retrouvée
intacts, produisis parmi la population
canadienne les plus vifs sentiments de
joie religieuse.
Le séminaire de Québec, tout reten-
tissant encore du nom de Laval, tout
embaumé de ses vertus, s'émut particu-
lièrement de cette précieuse découverte.
Avec instance, il sollicita du curé de
Notre-Dame, l'honneur insigne de rece-
voir dans sa chapelle, les restes vénérés
de son illustre fondateur. " Il est notre
bienfaiteur, disait la supplique. Il est
— 96 —
notre plus beau modèle. Il est, nous
en avons la ferme espérance, notre pro-
tecteur au ciel. " Ces titres si nombreux
et si légitimes obtinrent aux enfants
de Laval, la réalisation de leurs vœux
les plus chers. Le 15 mai 1878, avait
lieu la translation intime des restes de
l'illustre pontife, dans la chapelle du
séminaire. Merveilleuse coïncidence,
ou plutôt permission de la Providence,
les cendres de Mgr de Laval étaient
ainsi ram.enées après cent soixante-dix
ans, à l'endroit même où s'exhala son
dernier soupir. En effet, l'histoire ma-
nuscrite du séminaire nous donne les
renseignements suivants :
" Après l'incendie de 1Y05, Mgr de
Laval fut l'hôte des RE. PP. Jésuites,
pendant deux mois. Pais on lui dressa
un petit appartement dans l'endroit du
séminaire que les flammes avaient épar-
gné, c'est-à-dire dans la partie la plus
voisine de la cathédrale, située à la
place de la chapelle actuelle. Kien
':M\
— 97
n'indique que plus tard, il ait été obligé
de changer de logis. Il est donc proba-
ble que Mgr de Laval est mort dans
cette partie du séminaire bâtie à cette
époque, à l'endroit même de la chapelle
actuelle. " - ^^
Cette cérémonie de la translation des
restes de Mgr de Laval, qu'on a qua-
lifiée d'intime, car, à part le clergé de
la ville, on n'y avait convié que la
familley c'est-à-dire les professeurs et les
élèves de l'Université et du séminaire,
ne laissa pas d'être accompagnée d'une
grande pompe. Plus de quarante prê-
tres en rehaussaient l'éclat.
Mais rien n'égala l'enthousiasme qui
se manifesta le jour de la translation so-
lennelle, le 23 Mai 1878. Tout le pays
était là : les archevêque et évêques, au
nombre de neuf, plus de quatre cents
prêtres, le lieutenant-gouverneur de la
Province de Québec, plusieurs ministres
locaux et fédéraux, l'Université-Laval,
les différents corps religieux et civils,
- 98 —
enfin une foule immense accourue' pour
rendre homnage à l'illustre fondateur
de l'église du Canada. ' . ? - ^
Comme au jour de ses premières funé-
railles, Mgr de Laval a traversé les rues
de son cher Québec, s'arrêtant comme
autrefois, dans chacune des églises de
la Haute-Ville et des chapelles des Com-
munautés religieuses. Les catafalques
érigés dans ces sanctuaires surpassaient
en luxe et en délicatesse tout ce qu'on
avait vu jusqu'alors. Mais la vieille
cathédrale semblait avoir gardé pour
elle, le cachet de la grandeur et de la
majesté. >,^ v,
A la porte de cette église, Son Ex.
Mgr Conroy, Délégué Apostolique au
Canada, reçut le brillant cortège. Mgr
l'Archevêque de Québec, quinzième suc-
cesseur de Mgi- de Laval, aujourd'hui
Son Eminence le Cardinal Taschereau,
chanta le service. Personne n'a oublié
avec quelle éloquence Mgr Antoine
Racine rappela à l'immense auditoire,
les vertus de Mgr de Laval, et les grands
traits de sa vio, et démontra la fécondité
de son apostolat et la duréq de ses
œuvres. ; v
Puis le cortège se remit en marche
pour la chapelle du Séminaire. Le der-
nier //6er« annonça la fin de ia cérémonie
religieuse, et les restes précieux du pre-
mier évêque de Québec furent déposés
sous les voûtes de ce monument qu'il
éleva lui-même à la gloire de la reli-
gion et de la patrie.
Il
CHAPITRE X
Procès de canonisation — Vertus de Mgr de Laval-
rades.
-Mi-
Les circonstances étaient favorables,
et le vœu populaire s'était clairement
manifesté au milieu de ces fêtes splen-
dides ; cette translation des restes de
Mgr de Laval faisait désirer un triomphe
encore plus éclatant, et soupirer après
la fête des fêtes, celle de la glorification
de l'illustre serviteur de Dieu. Aussi
une supplique fut de suite adressée à
nos seigneurs les évêques de la Province,
pour que, sur leur demande, le procès
de canonisation de Mgr de Laval fut
autorisé par le Saint-îSiège,
Les prélats consentirent de suite avec
joie à faire cette démarche et, comme
l'on sait, le premier procès est déjà ter-
101 —
miné et soumis à l'approbation de Sa
Sainteté Léon XIII.
Pour qu'un saint soit canonisé, il faut
prouver sa réputation de sainteté, ses
vertus héroïques et ses miracles ; et ce
n'est qu'après plusieurs procès très diffi-
ciles que Rome se prononce et autorise
le culte public.
Par ce qu'on a déjà vu, il est clair que
Mgr de Laval avait à sa mort une
grande réputation de sainteté, et que
cette réputation est parvenue jusqu'à
nous après avoii* subi l'épreuve de deux
siècles. Ses vertus éminentes ont été
reconnues et admirées par tous ses con-
temporains. ' V - .^ r . .
Nous allons en donner quelques té-
moignages. - . :. ï^î;; • V ;
La mère de l'Incarnation parle ainsi
du zèle de Mgr de Laval : ' *
" Notre prélat est très zélé et inflexi-
ble, zélé pour ce qu'il croit devoir aug-
menter la gloire de Dieu, et inflexible
pour ne point céder en ce qui est con-
102 —
■1
!
traire. Je n'ai point encore vu de per-
sonne si ferme que lui en ces deux
points. " Toutes les œuvres de Mgr
de Laval portent le cachet de cette
ardeur apostolique à laquelle Mgr de
St-Valier a également rendu un éclatant
témoignage, lorsqu'il a dit : " Ma plus
grande peine est de trouver une église
où il ne nous paraît plus rien y avoir
pour exercer mon zèle. " ' • *' '^
Ce zèle était, comme nous l'avons
déjà prouvé, réglé par la plus admira-
ble prudence. Mgr de Laval ne faisait
rien sans consulter ; aussi s'adressait-
on à lui de tous les côtés pour en rece-
voir des conseils, sachant que tout ce
qu'il dirait serait dicté par la plus
grande sagesse. M. Tronson écrivait à
M. Dollier du Séminaire de Montréal :
*' Il ne faut rien faire... sans consulter
Mgr l'Evêque de Québec l'Ancien
Il repasse cette année au Canada ; et
ses vues feront connaître ce que Dieu
demande de nous en cette ^occasion.
— 103 —
Vous connaissez sa piéiéy son désintéresse-
ment, sa prudence, et ses lumières; il
connaît mieux que personne l'état de
son église. Nous ne cherchons tous que
la volonté de Dieu, et c'est là.le moyen
de la connaître. "
-^ Ce serait sortir du cadre que nous
nous sommes tracé que d'entrer dans
le détail de toutes les vertus que prati-
qua à un si haut degré le premier
Evêque de Québec. Nous allons faire
parler un témoin qui nous donnera une
idée de la foi, de l'espérance, de la cha-
rité, de l'humilité et de la mortification
du saint Prélat, ^■[^r^mnj-.^ .T^^viM^^^^r^^-^^r
Ce témoin, c'est le bon frère Houssart,
qui fut attaché au service de l'Evêque
pendant les vingt dernières années de
sa vie. A la mort de Mgr de Laval, il
écrivit une longue lettre à M. Tremblay
du séminaire de Paris. Cette lettre a
été publiée pour la première fois dans
V Abeille, et nous allons en donner quel-
ques extraits.
104 —
-#■
*' Monsieur,
*' Yons avez déjà, sans doute, appris la
mort de Mgr de Laval ancien et pre-
mier évêque du Canada, et ce n'est pas
pour vous en informer que je prend la li-
berté de vous écrire , mais pour vous
témoigner combien cette mort et la
séparation d'un si bon, si saint et si
charitable maître m'a été sensible.
...Mais la consolation qui s'est
meslée parmi la tristesse, en voyant un
saint mourir en saint après avoir vescu
en saint, a été un très grand soulage-
ment à ma peine, aussi bien qu'à celle
de tout le Séminaire et de tous les peu-
ples du Canada ; et la haute idée que
nous avons tous de la grande gloire que
possède dans le ciel nostre défunct et
nostre commun Père, nous fait espérer
que par son intercession et son crédit
auprès de Dieu, il nous dédommagerai
copieusement de la perte que nous
avons faite de sa Ste présence. Plu-
sieurs l'ont déjà éprouvé dans )e soula-
— 105"— '" / ■
gement qu'ils ont reçu dans leurs peines
et infirmitez, par l'invocation et le
recours qu'ils ont eu à nostre dit St
défunt, comme vous l'apprendrez par
une autre voye. jr * r> ^^v ^ »
" Toutes les personnes du séminaire
doivent avoir une confiance très parti»
culière aux mérites et intercessions de
leur premier Père ; car Sa G-randeur
s'étant offerte en sacrifice, comme elle
fit six jours avant son Saint trépas, pour
porter la peine de tous les péchés du
séminaire, et ayant prié Dieu de l'exter-
miner elle seule ; ayant prié aussi
de détruire entièrement le péché de èa
sainte maison et d'y maintenir jusques
à la fin des siècles le très saint
amour et le véritable culte de Dieu et
de la très sainte famille de Jésu, Marie,
Joseph, et des St. Anges, et Sa Grrandeur
ayant été exaucée par le redoublement de
ses douleurs qui furent excessives depuis
ce jour là jusqu'à sa mort, nous
avons tous lieu de croire qu'il nous a
— lOG —
acquis par ses souffrances des grâces
particulières pour éviter le péché et i>our
pratiquer la vertu.
r" Mais je ne puis, Monsier lae dis-
penser de vous dire que quand il mt'
revient en la mémoire l'accent et la
ferveur avec laquelle Sa Grandeur pro-
nonçait ces paroles et beaucoup d'autres
pleines de feu et d'amour, les yeux et
les mains élevées vers le ciel, avec des
sentiments extraordinaires d'humilité
et de mépris de soy-même, et des retours
d'une véritable confiance en Pieu, no-
nobstant, disait-elle, sa très grande indi-
gnité, j'en ay le cœur si pénétré que je
ne puis retenir mes larmes ; je souhaitais
pour lors que toutes les personnes du
Canada eussent pu entendre chacune
une seule de ses paroles, pour en estre
toutes embrasées ; car elles étaient
toutes capables de pénétrer, attendrir
et enlever les cœurs, même les plus
endurcis.
"Je ne doute pas, Monsieur, que vous
107
u'ayiez aussi appris la distribution qui
a été faite à la grande instance des
peuples du Canada, du linge trempé et
teint du sang de mon dit Seigneur, de
ses cheveux et de ses habits
" Vous serez sans doute bien aise que
je vous fasse un petit détail de quel-
ques actions communes et ordinaires de
Sa G-randeur, qui m'ont le plus touché
et m'ont fait prendre la résolution, plus
de quinze ans avant sa mort, d'en agir
ainsi ^ït^
" Ce qui m'a toujours tenu dans la sur-
prise et dans l'admiration a esté de voir
un homme d'un aussi grand mérite,
d'une aussi grande vénération,
et aussi utile en ce pays que l'était
Monseigneur, cassé et rompu de vieil-
lesse, de fatigues et d'infirmitez jusques
à l'âge de qnatre-vingt cinq ans, estre
aussi exacte que Testait Sa Grandeur à
se mortifier en toutes choses
" lo De coucher sur un très chétif ma-
telas sur les planches... à faire tcus les
r- — 108
.%. .
jours luy-même son pauvre lit jusqu'à la
fin de sa vie, sans permetti-e que j'y
touLîhe que très rarement
"2o De ne sejamais coucher qu'il n'eût
dit et ne se fût acquitté de tous ses offi-
ces, prières, lectures, chapelets etc. quel-
que tard qu'il fût et quelqu'afîaire
qu'eut eue Sa Grandeur, et quoyqu'il se
couchât fort tard, ne jamais manquer à
se lever pendant plus de quinze ans à
deux heures du matin (je ne parle que
du temps que j'ay servi Sa Grrandeur,
car plus de trente ans auparavant elle
se levait à la mémo heure) et les cinq
dernières années de sa vie sur les trois
heures. Et de se lever pendant les
dittes quinze années et celles d'aupara-
vant, tout seul, sans feu, n'ayant point
de pouële dans sa chambre, où il gelait
très fort toutes les nuits pendant
rhyrer s'en aller à quatre heures à
l'église, la lanterne à la main, en ouvrir
les portes, sonner sa messe qui était la
première de quatre heures et demie
— 109 —
pour les travaillans, et rester à l'église
ou à la sacristie qui était fort froide et
incommode pour lors, jusques à sept
heures
'' 4o Sa Grandeur cherch ait tous
les jours les moyens (cachés) qu'elle
pouvait s'imaginer pour se procurer des
douleurs et des souffrances, comme soit
par exemple, de porter presque tous les
jours le cilice, et de le quitter tous les
soirs en cachette, de peur que je ne le
visse en pansant le cautère qu'elle avait
au bras, et sur ces dernières années
qu'elle ae pouvait presque plus agir,
le porter jour et nuit et avoir un très
grand soin et faire en sorte que je ne
le voiy point en pansant le dit cau-
tère Dédire assiduement la sainte
messe nonobstant des ouvertures et des
playes très considérables et très sensibles
qu'elle avait aux jambes et aux pieds,
et que nos Mrs. et même Monsieur le
Médecin luy représentassent le tort
qu'elle faisait à sa santé en se gênant
110
M >|
1
\
f»t souffrant comme elle faisait pour dire
la Ste messe. ^
" D'assister en ces états et avec toutes
ces playes à tous les offices de la cathé-
drale quelque froid qu'il fit, et de s'y
faire porter quand elle ne put plus
marcher. C'est dans la pratique de cette
ferveur et dans l'exercice de cette dévo-
tion et de cette haine d'elle-même, qu'elle
gagna pendant l'office du vendredi saint,
par un des plus grands froids qu'il se
puisse faire en Canada une engelure au
talon qui lui a causé la mort
" J'auray plulost fait, Monsieur, de
vous dire en deux mots, que quand il s'a-
gissait du service de Dieu et de la charité
du prochain, aucune douleur ni infir-
mitez n'étaient capable d'y faire man-
quer sa Grrandeur en un seul point
" Mais ce qui fait mieux connaître la
patience de Sa Grandeur dans ses plus
grandes plaintes, c'est que quand on
voulait avoir égard à ses douleurs et à
ses plaintes et qu'on voulait l'épargner,
— ni-
elle voulait qu'on fit ce qui était néces-
saire à ses playes sans avoir égard à ses
plaintes et douleurs,
" En pansant la playe qui lui a causé
la mort, sa douleur était si grande qae
tout le corps luy en frémissait ; il se
plaignait d'une manière à tirer les lar-
mes des yeux de ceux qui étaient pré-
sents. Le bon frère Boussat y estant
un jour dit à Sa Grrandeur par compas-
sion : Eh ! bien, Monseigneur, que vou-
lez-vous que nous fassions ? que met-
trons-nous sur votre playe ? Sa Grran-
deur lui répondit d'un accent tout
transporté et embrasé de l'amour de
Dieu et les mains jointes : Mon frère,
je ne veux que Dieu, faiste tout ce
qu'il vous plaira et ce que vous jugez
qu'il faut faire
" 5o La mortification au boire et au
manger n'est pas le moindre point de
ses vertus ; au contraire je crois que
c'en est un des plus grands
*' ...Je l'ay vu plus de cent fois gar
y
il
— ^12 —
der de la viande cuitte dans sa cham-
bre (car comme vous sçavez, Mr., Sa
Grandeur a toujours mangé dans sa
chambre pendant les vingt dernières
années de sa vie). Je l'ay vue, dis-je
garder de la viande cuitte 5, 6, 7 et huit
jours dans les chaleurs de l'été, et lors-
qu'elle était toute moisie et pleine de
vers, elle la lavait dans de l'eau chaude
ou dans du bouillon de sa soupe, et
ensuite la mangeait et me disait qu'elle
était très bonne
" En un mot je puis dire sans exagéra-
tion que toute la vie de Sa G-randeur
n'était qu'un jeûne continuel, car elle
ne déjeunait point, et ne prenait tous
les soirs que la valeur d'une légère
collation
" 6o Un autre point de mortification
et d'humilité fort extraordinaire en une
personne du rang, de la dignité, de l'âge,
et des infirmitez de Monseigneur, est
que Sa G-randeur ne m'a jamais permis,
pendant toutes les vingt années que
— 113
j'ay eu l'honneur d'estre à son service, de
faire quoy que ce soit pour son service,
qu'elle ne l'ait pu faire elle-mesme, si bien
qu'il fallait que je demeurasse les bras
croisez pendant que Sa Grandeur fai-
sait son feu, ballayait, desservait sa table,
lavait son petit meuble de table, s'ha-
billait, faisait son lit, etc., etc
" Mais si j'ajoutais à cela et si je racon-
tais toutes les fois que Sa Grandeur,
nonobstant ma grossièreté, mon igno-
rance, et toutes mes mauvaises qualitez,
me consultait, demandait mes avis, me
priait quoy que je ne fusse que son
valet, c'est ce qui faisait l'étonne-
ment des personnes qui ont connu le
grand mérite, les grandes lumières et
la profondeur des connaissances qu'avait
Sa Grandeur quand je pense seule-
ment à ses manières si tendres, si cha-
ritables, si humbles et si déférentes de
Sa Grandeur à mon égard, j'en ay le
cœur si attendry que je m'en expli-
8
114
i
r i
querais mieux par mes larmes que par
mer paroles.
" 80 Pour ce qui regarde sa charité et
ses aumônes, c'est un point où les per-
sonnes qui ont le mieux connu Sa Gran-
deur auraient peine à en faire con-
naître toute rétendue. J'ay autant de
témoins de cette vérité qu'il y a de per-
sonnes en Canada
" ...Sa Grandeur l'automne dernier
avant sa mort se voyant sans avoir de
quoy faire l 'aumône, elle fit tout son possi-
ble pour en avoir du Séminaire, mais le
Séminaire estant lui-même à l'extrémité,
n'ayant pas la moitié de ses besoins les
plus essentiels et ne pouvant rien don-
ner à Sa Grandeur pour faire ses aumô-
nes (car ça. toujours été elle qui les a
distribuées de ses propres mains) elle
me dit d'une manière fort triste et fort
touchante qu'elle ne pouvait pas vivre
longtemps si elle n'avait pas de quoy
donner aux pauvres, et effectivement
Sa Grandeur n'a plus vescu que six
— 115 —
mois après, et elle s'est trouvée si
dénuée des biens de ce monde qu'elle
n'avait pas en mourant la valeur d'un
sou dont elle peut disposer en faveur
des pauvres
" ...Quelques mois avant sa mort je
vis encore dans le fond de sa cassette
un petit couteau de 5 ou 6 sous ; je le
demanday à Sa Grandeur et elle me le
donna, mais d'une manière et d'un ton
à me tirer les larmes des yeux : Mon
enfanty me dit-elle, si je possède encore ce
couteau, je vous le donne de bon cœur, afin
de ne posséder plus rien sur la terre, et sois
entièrement dégagé de tous les biens de ce
monde ,...,
" lOo je n'ay garde, Monsieur, d'entre-
prendre de parler de la haute contem-
plation et de l'union continuelle que
Monseigneur avait avec Dieu, ce sont
pour moy lettre close et je dois bien
me contenter d'admirer ces voyes subli-
mes et élevées dans lesquelles Dieu a
conduit Sa Grandeur
116^—
" ...L'aversion qu'elle avait des moin-
dres choses qui pouvaient tant soit peu
ternir le lustre et la pureté de son âme,
la portait à se confesser tous les
jours avant de dire la Ste. messe.
" ...Et c'est ce qui m'a excité à pren-
dre la résolution, dès les premières
années que j'ay été auprè de Sa Gran-
deur, de rama'L'ser tout ce que je pouvais
qui ait appartenu à sa sainte personne,
et depuis son trépas à tremper des linges
dans son sang, lorsqu'on Fa ouvert,
à enlever quelques os ou cartilages de
dessus sa poitrine et à couper ses che-
veux et conserver ses habits et tout cela
pour servir de très précieuses reliques.
"Je crois, Monsieur, que vous et toutes
les personnes bien intentionnées, ap-
prouveront mon procédé en cela, comme
efiec -"ement plus de trois mille per-
sonnes de toutes sortes d'estat et condi-
tions l'ont desjà approuvé en Canada,
en demandant avec empressement
et s'estimant bienheureuses d'avoir de
— 117 —
petites parcelles du dit linge et de ces
précieux restes de mon dit Seigneur,
qu'ils portent sur eux avec respect et
dévotion, des capitaines mesmes et offi-
ciers de troupes ont fait faire expré des
reliquaires d'argent pour y en enfermer
et les porter sur eux, étant mus à cela
par l'idée et l'estime général que chacun
a du grand mérite et de la haute sainteté
de Mon dit Seigneur et par les secours
extraordinaires et miraculeux que plu-
sieurs ont reçus et reçoivent journelle-
ment dans leurs infirmitez par l'invoca-
tion de Mon dit Seigneur en s'appliqant
des dites reliques ou les portant sur
eux
Fr. h. Houssart.
Comme on le voit par cette lettre
admirable et touchante du frère Hous-
sart, les miracles eux-mêmes n'ont pas
manqué à la gloire de Mgr de Laval,
mais malheureusement il n'y en a pas
eu de procès-verbaux, ou si on en a faits,
ils ont été perdus comme ceux dressés
118
[I
par M. le Grrand Vicaire Grlandelet.
Plusieurs guérisons extraordinaires ont
été attribuées à Mgr de Laval depuis
la translation de ses restes, et nous pour-
rions en citer un grand nombre. Conten-
tons-nous de la suivante qui est abso-
lument inédite et que nous tenons de
la bouche même de MgrGravel, Evêque
de Nicolet.
En 1882, mademoiselle Eosa Hébert,
alors âgé de 13 ans, était en promenade
à Saint-Hyacinthe dont Mgr Grravel
était alors le curé.
La pauvre enfant souffrait d'une sur-
dité qu'elle avait contractée à l'âge de
deux ans, à la suite de fièvres scarlatines:
elle ne pouvait rien entendre de ce qui
se disait autour d'elle et ne parvenait
à comprendre qu'à l'aide de signes et
en suivant le mouvement des lèvres de
ceux qui lui paiîaient; Mgr Gravel
l'ayant rencontrée, lui demanda si elle
désirait guérir, et si elle consentirait à
porter sur elle une parcelle du tombeau
- 119 «~
de Mgr de Laval, et à réciter tous les
jours la prière autorisée par Mgr l'Arche-
vêque de Québec. La pieuse enfant
consentit avec joie, et se mit à invoquer
avec ferveur son nouveau et puissant
protecteur et à porter la petite relique.
Presque de suite, il se produisit chez
elle un changement remarquable, et
chaque jour le mieux s'accentuait d'a-
vantage; si bien que quelques mois après,
mademoiselle Hébert put fréquenter les
classes avec la même facilité que les au-
tres élèves, trouvant même que celles-ci
parlaient trop fort autour d'elle. L'en-
fant, sa mère, et toute sa famille consi-
dèrent cette cure comme miraculeuse
et l'attribuent à l'intercession de Mgr
de Laval.
Mademoiselle Hébert demeure actu-
ellement aux Etats-Unis; elle entend
parfaitement. Le médecin qui l'avait
soignée est prêt à rendre témoignage en
faveur du miracle. •
La vénérable mère de l'Incarnation
120
avait donc bien raison de dire que " Mgr
de Laval porte lee marques et le carac-
tère d'un saint, " puisqu'il a la réputa-
tion et les vertus d'un saint, et au'on
lui attribue, justement il semble, un
grand nombre de guérisons miracu-
leuses. Cependant, n'oublions pas que
la canonisation d'un saint est l'une des
plus grandes faveurs que le ciel puisse
accorder à un pays. Ce ne sont pas
quelques prières isolées, mais les prières,
les cris vers le ciel, de tout un peuple,
qui obtiendront de Dieu la glorification
du premier Evêque et du Père de la
Nouvelle-France.
Oui, nous l'espérons, un jour viendra
oii, "de Eome, la cité des triomphes et
des longs souvenirs, la parole infaillible
du Père commun de tous les fidèles
annoncera au monde et à la ville que
le nom de Laval est consigné au livre
du Ciel. Et si l'Eglise glorifie son ser-
viteur par cette couronne qu'elle ne
réserve qu'à l'héroïsme de la vertu, et à
121
3 '' Mgr
î carac-
réputa-
t qu'on
ble, un
airacu-
as que
ne des
puisse
it pas
►rièrec»,
•euple,
cation
de la
une sainteté irrécusable, cette gloiifica-
tion sera le plus précieux, le plus bril-
lant rayon de gloire attaché au front de
l'Eglise de Québec.
" Votre image, mille fois bénie, ô
Laval ! apparaîtra radieuse sur nos au-
tels ; et au culte de l'admiration et de
la reconnaissance, le peuple canadien,
que vous avez tant aimé, ajoutera celui
de la prière et de l'invocation." (1)
iendra
hes et
illible
idèles
e que
livre
n sér-
ie ne
i, et à
(1) Eloge funèbre de Mgr de Laval par Mgr Ant.
Racine.
Note.
A la page 36, c'est par erreur que
Paul de Chomedy est donné comme
le fais du fondateur de ViUemarie M
de Maisonneuve n'était pas marié II
avait servi de parrain à un Sauvage et
lui avait donné son nom.
Lr que
îomme
3. M.
ié. Il
ige et